Revues

Appel à contributions pour terrains & travaux : Violences de genre à l’encontre des groupes minorisés

Appel à contributions pour terrains & travaux : "Violences de genre à l'encontre des groupes minorisés"

INFORMATIONS

La revue terrains & travaux, accompagnée par la MSH Paris-Saclay, lance un appel à contributions pour son dossier thématique : « Rétribuer, inciter, dédommager : les compensations financières et matérielles dans les enquêtes Violences de genre à l’encontre des groupes minorisés ».

Date de clôture de l’appel : 12 septembre 2024

Télécharger ici l’appel au format PDF

Présentation de l'appel

Depuis que #MeToo a placé la question des violences sexuelles subies par les femmes au cœur du débat public, des associations et scientifiques ont cherché à élargir le débat pour mettre en lumière la diversité des violences fondées sur le genre. Ces dernières renvoient à des violences interpersonnelles ancrées dans des rapports de genre qui reproduisent des normes et des inégalités structurelles de pouvoir autant qu’elles en sont le produit. Ces actes peuvent être différenciés selon leur nature (physique, sexuelle, verbale, etc.), les espaces dans lesquels ils surviennent (travail, rue, relations intimes, etc.), ou le type de personnes qu’ils affectent (femmes, hommes, adultes, enfants, minorités sexuelles, etc.). Si, comme le soulignent les données statistiques produites par l’enquête Violences et rapport de genre (Virage, Ined, 2015), ces violences sont essentiellement commises par des hommes à l’encontre de femmes, diverses études font apparaître une forte déclaration des violences de genre chez les populations minorisées dans le monde social. C’est par exemple le cas des femmes précaires, des migrantes, de celles qui vivent avec le VIH ou avec un handicap, des femmes sans-domicile, des minorités sexuelles féminines ou des femmes trans. Mais c’est aussi le cas des enfants et de certains hommes minorisés, tels que les hommes migrants, sans-domicile fixe, homosexuels ou trans. Ces résultats nous rappellent que le genre ne façonne pas seulement les rapports femmes/hommes : il produit également des différences et des hiérarchies au sein du groupe des femmes et de celui des hommes qui favorisent la perpétration de violences, en particulier à l’encontre de celles et ceux qui occupent une position dominée au sein de chacun de ces deux groupes. En retour, ces violences consolident ces hiérarchies. Par exemple, dans les cas des masculinités, les hommes victimes de viols en prison ou en temps de guerre sont considérés comme moins masculins, autrement dit, ils sont féminisés.

En outre, l’étude des violences de genre subies par les populations minorisées interroge les cadres d’analyse féministes qui se sont révélés particulièrement fructueux pour saisir les actes perpétrés par des hommes sur les femmes, hétérosexuel·les et cisgenres, et comprendre comment ils façonnent la vie des femmes. Ces cadres peinent en effet à tenir pleinement compte des effets de l’articulation du genre avec les rapports sociaux et de pouvoir (par exemple ceux de classe, de race ou d’âge). En quoi l’interaction du genre avec d’autres rapports sociaux et de pouvoir contribue-t-elle à produire des violences interpersonnelles ? En quoi l’expérience des violences est-elle façonnée par le contexte de minorisation ? S’intéresser aux déclarations de violences des populations minorisées incite alors à adopter une approche capable de penser la manière dont le genre est façonné par d’autres rapports sociaux.

Cet appel à articles a pour double objectif de documenter des objets encore peu saisis en sciences sociales (des violences de genre plus marginales ou vécues plus typiquement par des groupes minorisés) et d’explorer davantage les relations entre violence, genre et d’autres rapports sociaux et de pouvoir. Il cherche à faire un état des lieux et à confronter les travaux actuels sur la question, au sein de l’espace francophone et au-delà, en croisant les regards disciplinaires (sociologie, science politique, histoire, géographie, démographie, anthropologie, santé publique, etc.). Les propositions d’articles devront relever d’une approche empirique (terrains ou archives, données quantitatives ou qualitatives) et pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes suivants.

1. Production de la violence et rapports sociaux multiples

Ce premier axe s’intéresse à la façon dont les violences subies par les populations minorisées invitent à renouveler et à complexifier l’analyse des rapports sociaux. Dans une perspective intersectionnelle, attentive à l’articulation des rapports sociaux et de pouvoir, de plus en plus de travaux s’intéressent à la production sociale des violences de genre et mettent en évidence l’importance non seulement de l’asymétrie de genre, mais aussi des inégalités économiques, statutaires, raciales et spatiales. Par exemple, le différentiel de pouvoir dans des relations, dans le cas de dépendance (économique, médicale, etc.) ou de différences d’âge, engendre un contexte de vulnérabilité sociale qui favorise le déploiement des violences de genre. En se penchant sur différents groupes marginalisés, les articles de cet axe pourront traiter de la construction des violences de genre : quels sont les dimensions sociologiques et les contextes qui favorisent l’émergence de ces actes aussi bien que leur dénonciation ? Comment les rapports sociaux de race, de classe ou d’âge, par exemple, redéfinissent les rapports de genre et exposent les individus aux violences ? En quoi ces expériences de violences sont-elles spécifiques, voire se distinguent-elles de celles des groupes majoritaires ? Quel est enfin l’effet des positions minorisées sur le rapport aux violences de genre, à leur identification et à leur dénonciation ? Dans quelle mesure des expériences ou des sociabilités minorisées développeraient la propension à dénoncer des actes subis ?

D’autres travaux s’intéressent non pas aux situations minoritaires qui produisent les violences de genre, mais à la façon dont ces violences sont susceptibles de contribuer aux logiques de minorisation. Bien que cette hypothèse contienne le risque d’adopter une approche pathologisante et réductrice des violences de genre et, ainsi, de négliger le rôle d’autres caractéristiques de la vie des individus (précarité, racisme, etc.), elle interroge la façon dont les expériences de violences travaillent le rapport aux normes de genre. Outre l’exemple des hommes victimes de viols en prison ou en temps de guerre, les violences sexuelles subies par les femmes avant leur entrée dans la sexualité ou au début de celle-ci seraient susceptibles de façonner, au moins en partie, le reste de leur parcours sexuel et participer de la mise à distance de certaines dimensions de l’hétéronormativité, en particulier l’hétérosexualité. Par ailleurs, si les parcours migratoires sont propices aux violences, ces dernières peuvent également être identifiées comme un motif de migrations. Les articles s’inscrivant dans cet axe pourront porter tant sur les difficultés qui entourent la mise au jour de ces mécanismes, que sur la critique de cette approche qui pense que les violences de genre peuvent façonner le rapport au genre des individus et ainsi contribuer à les minorer.

2. Construction de l’action publique et mobilisations collectives

Historiquement, l’action étatique et associative s’est développée en se concentrant sur les violences masculines faites aux femmes sans bien tenir compte des populations minorisées. Certaines campagnes et mesures ont visé des violences spécifiquement subies par les femmes migrantes (mariage forcé, excision) et des associations ont pu se constituer pour accompagner par exemple les femmes en situation de handicap ou lesbiennes, mais ces initiatives n’ont pas transformé le cadrage général des politiques publiques. Non seulement certaines catégories de populations restent largement absentes des cibles de l’action publique, mais leurs conditions matérielles d’existence ne sont pas pleinement prises en compte. Au début des années 1990, la juriste Kimberlé Crenshaw prend l’exemple de la lutte contre le viol pour souligner l’exclusion sociale et raciale qu’engendrent les actions des militantes féministes majoritaires et des pouvoirs publics qui se concentrent sur la pénalisation. Celles-ci occultent ce que représentent les forces de l’ordre et le monde judiciaire pour des femmes noires dans un contexte de racisme institutionnel, ainsi que les besoins des femmes noires en matière de logement et d’accès aux droits. Cette critique de l’action publique peut se transposer à d’autres catégories sociales, en particulier les femmes des classes populaires, dont les conditions d’autonomisation peuvent dépendre des politiques sociales.

L’occultation des populations minorisées s’accompagne toutefois d’une mise en lumière de certaines affaires (comme celle des « tournantes » au début des années 2000) ou de certaines catégories de violences (l’excision, par exemple) qui tendent à racialiser ou à territorialiser le problème des violences fondées sur le genre. Dans ce cas, des violences quantitativement minoritaires tendent à devenir une grille de lecture de l’ensemble des violences dans l’espace public, et occultent celles, majoritaires, qui sont commises dans la sphère privée. Cet axe appelle des contributions qui s’attachent à analyser cette tension structurante dans la définition des contours des problèmes publics et la construction de l’action publique.

3. Conditions d’objectivation des violences de genre subies par les populations minorisées

Un dernier axe vise à interroger les conditions d’objectivation des violences de genre subies par les populations minorisées dans les enquêtes sociologiques, historiques, quantitatives ou qualitatives. La production de données statistiques détaillées pour décrire et comprendre la forte déclaration de violences des populations minorisées est limitée, du fait de leurs effectifs relativement faibles dans les échantillons en population générale. Les collectes alternatives – échantillons de convenance, méthodes mixtes avec des entretiens ou des observations qualitatives, etc. – peuvent alors être nécessaires et utiles pour étudier les parcours de ces populations et mieux connaître leurs expériences. Les enquêtes fondées sur des entretiens et des terrains ethnographiques soulèvent des questions méthodologiques semblables s’agissant de la constitution des matériaux et des conditions d’émergence d’un discours sur les violences : comment recueillir, et parfois qualifier et requalifier, les expériences des individus pour faire surgir la question des violences au cours des entretiens et de leurs analyses ? Comment se rendre dans des espaces traversés par les violences mais difficilement accessibles, comme les zones de conflits ou certaines frontières ? Comment saisir la façon dont l’organisation formelle et informelle des espaces de grande vulnérabilité participe à la production de violences de genre ? De la même manière, la production de savoirs historiens sur les dimensions prises par les violences à l’encontre de groupes minorisés et ce qu’en disent celles et ceux qui les vivent au cours du temps requiert des méthodologies propres, qui pourront être présentées dans cet axe. Les contributions pourront également traiter des nouveaux défis posés par le numérique pour la constitution de son propre matériau, dans le contexte d’un espace numérique où les voix minorisées font l’objet d’attaques organisées virulentes.

Consignes de soumission

  • Les articles, de 50 000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie compris), doivent être accompagnés de 5 mots-clés et d’un résumé de 150 mots (en français et en anglais).

Ils devront parvenir aux coordinateur·rices du numéro avant le 12 septembre 2024 aux adresses suivantes :

Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont consultables sur le site de la revue : http://tt.hypotheses.org/consignes-aux-contributeurs/mise-en-forme

Des intentions de soumettre un article peuvent être envoyées aux coordinatrices pour le 15 avril 2024 ; ces dernières donneront alors, si nécessaire, aux contributrices·eurs potentiel·les un avis indicatif sur l’intérêt de leur proposition, sur son adéquation à l’appel et/ou sur une orientation que l’article pourrait privilégier. L’avis du comité de rédaction ne sera transmis qu’après l’examen des versions complètes du texte.

terrains & travaux accueille par ailleurs des articles varia, hors dossier thématique (50 000 signes maximum), qui doivent être envoyés à :

Présentation des coordinatrices

Pauline Delage, sociologue, chargée de recherche CNRS, rattachée au CRESPPA-CSU, et co-coordinatrice du réseau de recherche Violences fondées sur le genre (VisaGe). Ses travaux portent essentiellement sur les transformations des mouvements féministes et sur l’action publique contre les violences de genre.

Émeline Fourment, politiste, MCF à l’Université de Rouen Normandie, rattachée au CUREJ, et co-cordinatrice du réseau VisaGe. Sa thèse soutenue en janvier 2021 portait sur les appropriations des théories féministes à Berlin et Montréal. Elle s’intéresse aujourd’hui d’une part, aux questions des pratiques aternatives à la justice pénale en matière de violences sexuelles et, d’autre part, aux production des savoirs sur la santé des femmes dans le mouvement des femmes ouest-allemand des années 1970-1980.

Margot Giacinti, docteure en science politique rattachée au Laboratoire Triangle (ENS de Lyon) et co-coordinatrice du réseau ViSaGe. Ses recherches de doctorat ont porté sur le féminicide en France, dans une perspective socio-historique et d’histoire sociale des idées politiques. Elle s’intérèsse aujourd’hui à la question des violences faites aux femmes âgées.

Tania Lejbowicz, sociodémographe, postdoctorante au Centre de recherche de l’Institut de Démographie de l’université Paris 1 (Cridup), docteure affiliée à l’Institut national d’études démographique (Ined) et co-coordinatrice du réseau VisaGe. Ses travaux portent sur les rapports de genre, la sexualité et la conjugalité à travers, entre autres, l’étude des expériences de violences.

Anna Perraudin, sociologue, chargée de recherche au CNRS, rattachée à l’UMR Citeres, Université de Tours, et membre de l’Institut migrations. Ses travaux portent sur les migrations internationales, avec une approche attentive aux rapports sociaux de genre, de classe, de race, et aux statuts migratoires.

[illustration : Margot Giacinti]

Appel à contributions pour terrains & travaux : Violences de genre à l’encontre des groupes minorisés Lire la suite »

Appel à contributions pour terrains & travaux : Rétribuer, inciter, dédommager

Appel à contributions pour terrains & travaux : "Rétribuer, inciter, dédommager : les compensations financières et matérielles dans les enquêtes"

INFORMATIONS

La revue terrains & travaux, accompagnée par la MSH Paris-Saclay, lance un appel à contributions pour son dossier thématique : « Rétribuer, inciter, dédommager : les compensations financières et matérielles dans les enquêtes ».

Date de clôture de l’appel : 16 février 2024

Télécharger ici l’appel au format PDF

Présentation de l'appel

Alors que l’argent a longtemps été un impensé dans la pratique de l’enquête en sciences sociales, de nombreuses recherches questionnent aujourd’hui ses multiples usages, ses significations, ses effets, mais aussi ses frontières avec d’autres formes de rétributions matérielles. Plusieurs expressions existent pour qualifier ces pratiques diversifiées : payer, rétribuer, rémunérer, inciter ou « incentiver », dédommager, compenser, fidéliser, remercier les enquêté·es. On peut aussi penser aux nombreuses pratiques de don ou contre-don engagées à ces mêmes fins et qui ont une dimension matérielle : offrir un café, payer des services (course en taxi, location d’un logement, repas au restaurant…) ou offrir les siens (woofing par exemple). Pourtant, peu de travaux ont été menés à ce jour pour proposer une réflexion collective, systématique et pluridisciplinaire sur ces pratiques.

Au-delà des enquêtes en sciences sociales, la rétribution des enquêté·es est également un enjeu dans d’autres domaines académiques, en sciences du vivant par exemple. Elle l’est aussi dans le cas de la recherche clinique, et c’est par ailleurs une pratique à l’œuvre dans des univers professionnels lucratifs plus éloignés de la production scientifique (enquêtes marketing…). Il semble dès lors intéressant d’examiner aussi la rencontre entre ces différentes pratiques, issues d’univers variés, en étudiant les conditions de circulation ou de cloisonnement des pratiques de rétribution d’un univers à l’autre, ainsi que les modalités et les effets de leur appropriation.

Dans cette perspective, ce numéro de terrains & travaux entend réunir des contributions en sciences sociales consacrées aux incidences de l’argent et des autres rétributions matérielles sur les situations d’enquête. Il rassemblera ainsi non seulement des contributions de nature méthodologique et épistémologique (dans lesquelles les auteurs et autrices mettront au cœur de l’analyse leur propre expérience réflexive de la rétribution des enquêté·es), mais aussi des contributions originales à partir de recherches prenant ces diverses enquêtes pour objet.

Les propositions attendues pour ce dossier présenteront de manière problématisée les circulations d’argent et d’autres biens matériels à destination des personnes participant aux enquêtes quantitatives et qualitatives. Il s’agira, sur la base de matériaux empiriques explicitement présentés et intégrés à la démonstration, d’examiner les implications méthodologiques, analytiques, éthiques, voire sociales de ces rétributions. Ces implications peuvent renvoyer à un ou plusieurs des axes suivants.

1. Rétribuer pour recruter

Un premier axe renvoie à ce que l’annonce d’une rémunération fait au recrutement des enquêté·es. Dès lors que la rémunération des enquêté·es se pratique dans les univers lucratifs (enquêtes de consommation, démarchages commerciaux…) ou dans ceux de recherche appliquée (études cliniques…), une question devient de plus en plus prégnante dans des mondes traditionnellement moins familiers de cette pratique : faut-il dédommager des enquêté·es pour garantir un bon taux de participation à l’enquête ? Est-ce d’autant plus nécessaire qu’on cherche à avoir accès à certains groupes fortement précarisés, à faibles revenus ou difficiles à joindre ? Inversement, dans quelle mesure la rétribution des enquêté·es présente-t-elle le risque d’introduire des biais dans leur recrutement ?

Il pourra s’agir ici de réfléchir également à la question de la rétribution des enquêté·es en la liant étroitement à l’examen des caractéristiques des enquêtes (pourquoi la rémunération paraît-elle plus ajustée à certains types d’enquêtes qu’à d’autres ?). On pourra aussi réfléchir à la façon dont la rétribution est pensée pour résoudre certaines difficultés identifiées par les concepteurs des enquêtes, qu’il s’agisse de difficultés matérielles (comment faire transiter de telles rétributions ?), de difficultés symboliques (comme s’affranchir de la souillure de l’argent ?), ou encore de difficultés légales (comment rétribuer sans salarier ?). C’est ainsi qu’on examinera le marquage social de la rétribution à travers la forme qui lui est donnée (bons cadeaux, chèques, dons en nature…). Enfin, on pourra étudier ici comment les pratiques de rétribution s’articulent avec d’autres leviers incitatifs déjà mobilisés (portée de la recherche sur la situation personnelle de l’enquêté·e, sens de l’intérêt public, intérêt intellectuel, moment d’introspection, etc.).

2.  Les effets sur la relation d’enquête et la qualité des données

Au-delà des effets que la rétribution peut avoir sur la structure de la population enquêtée, en accentuant par exemple la participation de certaines populations, ce deuxième axe propose d’examiner les effets de la rétribution sur la relation d’enquête et sur la « qualité » des données collectées.

Pendant l’enquête, certains échanges matériels peuvent clarifier et fluidifier les relations avec les enquêté·es. Mais ils peuvent également introduire de la gêne, des biais, porter à confusion ou encore donner prise à l’affirmation de rapports de domination entre enquêteur·trices et enquêté·es. Alors que l’effet de ces rétributions dépend des conditions sociales de la population enquêtée (on ne rétribue pas de la même manière les personnes sans domicile et les classes supérieures), comment peut-on déceler ces effets et le cas échéant, comment les enquêteur·trices composent-ils et elles avec eux ?

Ensuite, la rétribution peut modifier le rapport de l’enquêté·e à l’enquête. Les enquêté·es auraient-elles et ils, par exemple, consacré le même temps, la même énergie sans dédommagement prévu ? Se seraient-elles et ils autrement impliqué·es, appliqué·es ? Peut-on constater une accentuation de la désirabilité sociale, poussant l’enquêté·e à la dissimulation ou à la modification des informations fournies ? Il apparaît donc nécessaire de s’interroger aussi sur ce que la rétribution produit sur les motivations et sur le contenu des réponses apportées par les enquêté·es. Peut-on ainsi parler d’un contexte de professionnalisation de la condition de l’enquêté·e ? Si l’on rétribue le temps que ceux-ci consacrent à l’enquête, cette participation ne serait-elle pas assimilée à une relation salariale ou commerciale ? Et dans quelle mesure les rétributions monétaires altèrent-elles le consentement et la libre participation des enquêté·es ?

3. Quelles spécificités du monde académique ?

Le risque de biais de recrutement comme celui de l’altération de la qualité des données concernent a priori toutes les enquêtes, qu’elles émanent du monde académique ou des autres secteurs (sondages, marketing…). À cet égard, les deux premiers axes de l’appel seront déjà l’occasion d’interroger les spécificités du monde académique dans la prise en considération de ces enjeux.

Par ailleurs, le recours aux dédommagements pose de manière impérative la question du financement des enquêtes. On pourrait donc réfléchir, d’abord, en termes de différence de moyens entre ceux dont dispose la recherche publique et ceux dont bénéficient les instituts privés de sondages ou les enquêtes d’opinion financées par certain·es acteur·rices du monde économique. Quel est le modèle économique de ces organismes privés ? La pratique de la rémunération est-elle compatible avec les contraintes financières du monde scientifique ? Est-il à la portée de toutes et tous ou est-il l’apanage de projets de recherche de grande ampleur bénéficiant de financements importants ? Quel serait, si le recours aux rétributions venait à se développer, le devenir des recherches de moindre envergure ou plus faiblement dotées, comme c’est le cas par exemple des thèses ? Quel serait ainsi l’impact plus général de ces pratiques sur la demande et les sources de financement ainsi que sur l’organisation de la recherche ? 

De telles considérations conduisent donc à réfléchir aussi aux effets plus structurels que peut avoir l’essor de ces pratiques sur le champ académique. Dans quelle mesure la rétribution des enquêté.es, jusqu’ici souvent perçue comme contraire aux canons de la recherche en sciences sociales, mais usuelle dans d’autres domaines comme l’épidémiologie, tend-elle à s’imposer comme nouvelle norme dans les pratiques d’enquête ? Et dans ce cas, quelles sont les forces qui œuvrent en sa faveur ou, à l’inverse, les résistances qui peuvent s’exprimer et les arguments qui sont alors mobilisés ?

Ce numéro réunira des articles empiriques originaux de sciences sociales (sociologie, science politique, anthropologie, économie, géographie, histoire, etc.). La mise en regard de plusieurs disciplines y sera particulièrement encouragée afin d’enrichir la réflexion sur ces usages mais aussi sur les normes scientifiques qui les bornent, parfois à des degrés divers. Dans la même perspective, les études de cas internationaux seront aussi les bienvenues.

Consignes de soumission

Les articles, de 50 000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie compris), doivent être accompagnés de 5 mots-clés et d’un résumé de 150 mots (en français et en anglais).

Ils devront parvenir aux coordinatrices du numéro avant le 16 février 2024 aux adresses suivantes :

Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont consultables sur le site de la revue : http://tt.hypotheses.org/consignes-aux-contributeurs/mise-en-forme

terrains & travaux accueille par ailleurs des articles varia, hors dossier thématique (50 000 signes maximum), qui doivent être envoyés à :

 

[Photo : Towfiqu barbhuiya sur Unsplash]

Appel à contributions pour terrains & travaux : Rétribuer, inciter, dédommager Lire la suite »

Appel à contributions Biens symboliques / Symbolic Goods « Cuisiner »

Appel à contributions
Biens symboliques / Symbolic Goods
« “Cuisiner”. Fabriquer, préparer et servir des biens symboliques alimentaires »

INFORMATIONS

La revue Biens symboliques / Symbolic Goods, bilingue et diffusée en accès ouvert sur OpenEdition Journals, lance un appel à contributions pour le dossier « “Cuisiner”. Fabriquer, préparer et servir des biens symboliques alimentaires », coordonné par Marc Perrenoud (Unil) et Adrien Pégourdie (Unilim). Les axes thématiques envisagés et les modalités de soumission des propositions sont précisés sur le site de la revue.

Date de clôture de l’appel : 1er septembre 2023.

Résumé

Venant de différentes disciplines des sciences sociales comme l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, la science politique, l’économie ou la géographie humaine, les propositions pourront s’intéresser 1/ à la dimension professionnelle de la cuisine (métiers, travail, emploi) ; 2/ à sa dimension privée (styles de vie, travail domestique) ; 3/ à sa dimension politique et culturelle (influence internationale, récit national, politique de l’alimentation, etc.). Les propositions (synopsis des articles), de 5 000 à 8 000 signes, doivent être transmises avant le 1er septembre 2023 à symbolicgoods[at]gmail.com.

Appel à contributions Biens symboliques / Symbolic Goods « Cuisiner » Lire la suite »

Appel à contributions – terrains & travaux : La manufacture de l’événement

Appel à contributions - "terrains & travaux" : La manufacture de l'événement

INFORMATIONS générales

La revue terrains & travaux, hébergée par la MSH Paris-Saclay, lance un appel à contributions pour son dossier thématique : « La manufacture de l’événement ».

Date de clôture de l’appel : 15 septembre 2023

Télécharger ici l’appel au format PDF 

 

Présentation de l'appel

Le secteur de l’événementiel a connu un développement sans précédent au cours des dernières décennies. Grands événements sportifs et culturels, festivals, salons internationaux, foires, congrès professionnels se sont multipliés et, avec eux, tout un écosystème d’acteurs soutenant cette dynamique. En France, avant la crise du Covid, le secteur de l’événementiel comprenait une dizaine de milliers d’entreprises. Selon un récent rapport de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, les métiers de l’événementiel emploieraient environ 120 000 personnes (exploitants de sites de réception, organisateurs, agences d’événementiel, prestataires, etc.) et le total des emplois directs et indirects s’élèverait à 455 000 emplois. Les retombées économiques du secteur représenteraient 37 milliards d’euros répartis à parts égales entre les revenus du secteur et les retombées pour le tourisme et le commerce local (Rapport d’information de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, 2022). Sur le « marché des destinations » pour les congrès et conventions, la France et Paris occupaient en 2019 une place de leader, malgré une intensification de la concurrence en provenance de pays d’Amérique du Sud, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud Est (Rapport de l’International Congress and Convention Association, 2019).

Néanmoins, le secteur reste à l’heure actuelle encore relativement peu structuré et peu documenté, tant à l’échelle nationale qu’internationale, à l’exception du champ de recherche en sciences de gestion sur les événements configurateurs de champ (field-configuring events). Les travaux sociologiques existants portent principalement sur l’étude des publics des événements culturels et sportifs, sur le rôle des événements comme places de marchés et sur leurs effets sur les carrières des participants. La production de ces événements et les acteurs impliqués dans celle-ci restent en revanche peu étudiés. Dans cette perspective, ce dossier portera sur le travail de production de l’événementiel. Qui sont les travailleurs de l’événementiel ? Dans quelle mesure les spécificités du secteur et ses temporalités modèlent-elles l’organisation du travail, le statut des travailleurs et les manières de travailler ? Comment rendre compte de la pérennité – ou non – d’événements ? Comment s’organise le marché de l’événementiel ? Comment ce marché s’articule-t-il à d’autres marchés et aux politiques publiques ?

Les propositions attendues pour ce dossier devront ainsi permettre de mieux comprendre la fabrique de l’événementiel aussi bien au niveau microsociologique des travailleurs qu’au niveau mésosociologique des organisations et à celui macrosociologique de la régulation politique et économique. Ce dossier visera notamment à saisir comment l’organisation du secteur contribue à routiniser l’événement. Pour ce faire, il réunira des articles empiriques originaux de sciences sociales (sociologie, science politique, sciences de gestion, etc.) s’appuyant sur des méthodes tant quantitatives que qualitatives. Les études de cas internationaux seront les bienvenues.

Les articles pourront s’inscrire dans l’un des trois axes suivants ou à leur croisement :

1. Les travailleurs de l’événementiel

Dans une perspective de sociologie du travail et de sociologie des professions, les contributions relevant de cet axe porteront sur les différents travailleurs prenant part à la production et au déroulement des événements : salariés, fondateurs et dirigeants des entreprises d’organisation d’événements, prestataires (standistes, traiteurs, décorateurs, éclairagistes, imprimeurs, fleuristes, etc.) et professionnels enrôlés de facto dans l’organisation d’événements (policiers, pompiers, secouristes, hôteliers, transporteurs, etc.). Il s’agira d’étudier le travail et les carrières des professionnels du secteur, en s’intéressant notamment à la formation aux métiers de l’événementiel, aux compétences que ces derniers nécessitent ainsi qu’aux modes de représentation collective (unions professionnelles, syndicats, etc.). Les contributions pourront également porter sur l’organisation du « monde social » de l’événementiel et les luttes juridictionnelles entre les différents groupes professionnels impliqués. Enfin, la structure globale du secteur, avec le recours massif au bénévolat et à la sous-traitance qui implique un important travail de coordination, pourra être l’objet d’investigations. Les contributions de cet axe pourront enfin se demander ce qu’Internet et le numérique font au travail événementiel, tant au niveau des procédés de production (construction et gestion de bases de données informatiques, numérisation des outils de gestion des flux et quantification des foules, coordination des professionnels impliqués, logique de projet, etc.) qu’au niveau d’enjeux propres à la numérisation des événements (hybridation d’événements en ligne et hors ligne, prolongation des événements sur les médias sociaux, report intégral au sein d’espaces en ligne, etc.).

2. Vie et mort des événements

Dans ce deuxième axe, les contributions porteront davantage sur l’économie propre du secteur de l’événementiel et sa pérennisation. De nombreux événements sont adossés à des marchés, que ces marchés soient sectoriels (festivals de cinéma et marché du film par exemple), plus globaux (grands événements sportifs ou culturels et marché des droits télévisés) ou locaux (événements et marchés des prestataires du territoire). Les événements constituent ainsi des points de rencontre, des vitrines et/ou des supports à ces marchés. Peu de travaux pourtant interrogent les conditions socioéconomiques de vie et de mort des événements au regard de l’évolution des différents marchés auxquels ils sont reliés, et en particulier le marché de l’événementiel lui-même (concurrence entre événements s’adressant à un même secteur, entre destinations, entre prestataires, entre organisateurs, émergence de nouveaux acteurs issus de l’économie numérique, etc.) Les contributions pourront analyser, dans une perspective longitudinale, selon quelles modalités l’articulation entre les événements et leur environnement marchand permet d’expliquer la pérennité ou l’arrêt des événements. À un niveau plus micro, il importera également d’étudier dans quelle mesure la manière dont sont organisés et configurés les événements (types d’activités proposées, identité de l’organisateur, profil des participants, etc.) affecte la destinée de ces derniers. Les contributions pourront également traiter des risques, des enjeux et des effets de la crise sanitaire sur les événements.

3. Les politiques de l’événementiel

L’événementiel comme secteur économique est devenu un objet de politiques publiques et de politiques économiques, tant à l’échelle internationale, nationale, régionale que municipale. Les contributions à cet axe exploreront comment les enjeux de concurrence, d’attractivité économique et de notoriété des territoires viennent informer l’organisation du secteur de l’événementiel. Les contributions pourront porter une attention particulière à l’articulation entre ces différentes échelles, notamment pour cerner les effets de la concurrence internationale dans la conception d’événements à l’échelle de régions ou de villes françaises. Elles pourront également questionner les effets de l’action publique sur l’organisation des événements et les logiques d’action collective des professionnels vis-à-vis des pouvoirs publics. Enfin, ces contributions pourront opter pour une approche internationale, comparative ou non, des politiques publiques concernant le secteur événementiel.

Consignes de soumission

Les articles, de 50 000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie compris), doivent être accompagnés de 5 mots-clés et d’un résumé de 150 mots (en français et en anglais). Ils devront parvenir aux coordinateur·rices du numéro avant le 15 septembre 2023 aux adresses suivantes :

Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont consultables sur le site de la revue : http://tt.hypotheses.org/consignes-aux-contributeurs/mise-en-forme

terrains & travaux accueille par ailleurs des articles hors dossier thématique (50 000 signes maximum), qui doivent être envoyés à :

Pour plus de détails, merci de consulter le site de la revue : http://tt.hypotheses.org

Appel à contributions – terrains & travaux : La manufacture de l’événement Lire la suite »

Appel à contributions – L’Homme & la Société dossier « L’Union Européenne : de l’intérêt général aux conflits d’intérêts »

Appel à contributions - L'Homme & la Société : "L'Union européenne : de l'intérêt général aux conflits d'intérêts"

INFORMATIONS

La revue L’Homme & la Société, hébergée par la MSH Paris-Saclay, lance un appel à contributions pour son dossier : « L’Union européenne : de l’intérêt général aux conflits d’intérêts ».

Les conditions de soumission, les axes thématiques envisagés, ainsi que les contacts pour répondre à cet appel sont à retrouver sur Calenda.

Date de clôture de l’appel : 30 avril 2023

Résumé

Par le passé, aucune union monétaire n’a pu survivre sans union politique. Comme l’Union européenne se définit elle-même pour ses membres comme « cadre de gouvernance économique », il paraît légitime de réfléchir sur la question suivante : peut-on concevoir, et sous quelles conditions, de la faire évoluer vers autre chose qu’une vaste zone de libre-échange ? Cet appel à contribution a pour objet l’écart persistant entre la notion d’intérêt général incarné par les traités d’Union dans trois institutions – la Commission, le Parlement et le Conseil – et cette gouvernance économique dont la légitimité repose exclusivement sur une doctrine de stabilité monétaire et budgétaire.

Appel à contributions – L’Homme & la Société dossier « L’Union Européenne : de l’intérêt général aux conflits d’intérêts » Lire la suite »

Appel à contributions : Terrains & Travaux dossier « Produire et réguler les fêtes »

Appel à contributions : Terrains & Travaux dossier « Produire et réguler les fêtes »

INFORMATIONS

La revue terrains & travaux, hébergée par la MSH Paris-Saclay, lance un appel à articles pour le numéro 2023/2 du dossier thématique intitulé « Produire et réguler les fêtes ».
Les conditions, axes envisagés et contacts pour répondre à cet appel sont à retrouver sur Hypotheses actualités : produire et réguler les fêtes
Date de clôture de l’appel : 10 février 2023

Résumé

La fête est une notion polysémique et aux frontières floues. Champ d’étude historiquement investigué par l’anthropologie, avec un intérêt pour l’excès et la transgression, elle est largement définie comme productrice de ruptures : avec les normes, les temporalités, le quotidien, le travail. La fête, ou plutôt les fêtes, recouvrent aujourd’hui un ensemble vaste allant des pratiques nocturnes urbaines aux grands rassemblements estivaux, en passant par les festivités les plus intimes (dans l’espace familial), voire dans des espaces comme les clubs sportifs ou les entreprises. Relativement peu travaillées par les sciences sociales, les fêtes sont généralement appréhendées au prisme des publics et de leurs pratiques, et en particulier des sociabilités juvéniles et des conduites à risques. À rebours de paniques morales alimentant le mythe d’une jeunesse en perdition, ces travaux dévoilent des processus d’autorégulation chez les fêtard·es et discutent des tensions entre transgressions et autocontrôle. L’omniprésence de ces publics de la fête dans la littérature, quand bien même ils participent à leur production, laisse dans l’ombre le rôle des acteurs et actrices et celui des organisations dans le façonnement et la régulation de ces festivités, sur lequel se focalise cet appel à contributions.

Appel à contributions : Terrains & Travaux dossier « Produire et réguler les fêtes » Lire la suite »

Appel à contributions – Revue Terrains & Travaux – 15/11/2020

LA RAISON MODÉLISATRICE

Appel à contributions pour dossier thématique
Date de clôture (étendue) de l’appel : 15 novembre 2020
Télécharger l’appel au format PDF

Ce dossier thématique ambitionne d’étudier une forme de technologie ayant connu un essor majeur à partir du début du XXe siècle : la modélisation. Pensée au XIXe siècle comme une « mathématisation du réel », elle consistait à formaliser des phénomènes physiques ou sociaux afin de les rendre lisibles et prévisibles. Au croisement des savoirs et des sciences les plus pointus, du social, de l’économique et du politique, la modélisation a connu une expansion considérable depuis la Seconde Guerre mondiale et encore davantage à partir des années 1970. Elle se développe alors dans une grande diversité de secteurs : l’astrophysique, l’environnement, la guerre, la finance, la santé, la chimie, la démographie, la justice. Elle est la marque d’un régime de connaissance singulier et technicisé dépassant les seuls processus de quantification ou de catégorisation, car elle permet de traiter un grand nombre de données qu’elle organise selon un jeu d’hypothèses lui-même inscrit dans des théories pré-établies. Son pouvoir de simplification et sa capacité à mettre en scène des futurs possibles ont permis à la modélisation de devenir un instrument d’action publique, par exemple dans le domaine des politiques économiques, climatiques ou agricoles. En intégrant des objectifs à atteindre (croissance, limitation du réchauffement, production agricole) dans des scénarios qui préjugent de leur caractère réalisable et des chemins (pathways) pour y arriver, les modèles sont devenus des supports incontournables de la fabrique des politiques publiques. Ils sont particulièrement mobilisés comme des outils d’anticipation des futurs entre lesquels il s’agit alors d’arbitrer dans des contextes caractérisés par une forte incertitude – comme l’illustre la crise sanitaire du coronavirus. Les nouvelles capacités calculatoires et les « big data » viennent encore renforcer les possibilités de la modélisation, qui gagne de nouveaux objets et de nouveaux mondes sociaux, y compris les sciences sociales elles-mêmes.

Ce numéro propose de regrouper des travaux issus de différentes disciplines (sociologie, philosophie, histoire, démographie, géographie, anthropologie, humanités numériques, etc.) étudiant le développement de la modélisation dans une diversité de domaines et permettant de documenter les conditions (économiques, épistémiques, politiques) de son efficacité (coordination, gouvernementalité, performativité), mais aussi ses effets de cadrage et de sélection des problèmes. La modélisation a été étudiée comme un outil de « médiation » entre les données et la théorie scientifique, comme un intermédiaire entre la décision politique présente et les futurs qualifiés de souhaitables, et possède à ce titre une efficacité qu’il convient de continuer à explorer. Mais elle repose sur une forme de confinement, voire d’opacité, qui rend le plus souvent les savoirs qu’elle cristallise hermétiques à la controverse – même si certains modèles visent précisément la transparence, offrant des prises à la vérification, voire au débat. En effet modéliser n’est pas seulement calculer, c’est aussi définir les paramètres d’un problème, impliquer un cours des choses, des questionnements, des possibles et, a contrario, en invisibiliser d’autres. Sorte de « boîte noire », les modèles nécessitent des professionnel·le·s spécialisé·e·s pour les développer et les faire fonctionner ou organiser un débat autour des prospectives modélisées, autant de « mondes sociaux » qui restent encore à étudier dans bien des domaines. La modélisation a aussi son économie imbriquée, entre autres, dans celle des données.

Les contributions attendues devront documenter empiriquement les activités de modélisation et leurs effets sociaux : il s’agit à la fois de comprendre la prolifération d’une rationalité modélisatrice dans différents espaces, mais également d’en souligner les fragilités, et d’étudier les conflits qu’elle suscite et les usages différenciés qu’en font les acteur·rice·s. Les articles proposés pourront s’attacher à explorer particulièrement, mais non exclusivement, les axes de problématisation suivants, allant des espaces technoscientifiques de la confection des modèles aux espaces de controverses, en passant par les champs de la maintenance et des usages :

  1. La fabrique des modèles. Si les modèles eux-mêmes, ou certains de leurs résultats, ont vocation à circuler, il importe d’identifier les lieux où ils sont élaborés et les acteurs s’engageant dans leur production. Du champ académique à celui des entreprises et des cabinets de conseil en passant par des agences parapubliques et l’administration centrale, l’étude de la genèse des modèles permet de documenter les savoirs à partir desquels ils sont élaborés, les dynamiques professionnelles à l’œuvre dans leur confection, les motifs qui président à leur diffusion ou à leur confinement. On pourra ainsi notamment se demander dans quelle période, et quel contexte, émerge la nécessité de modéliser (et de prévoir par la modélisation), et documenter l’histoire de la modélisation pour un objet d’étude donné. Qui sont les modélisateur·rice·s, à quelles communautés professionnelles appartiennent-ils·elles, quelles tensions leurs interventions peuvent-elles engendrer dans les espaces au sein desquels ils·elles interviennent ?
  2. Définir les futurs et leurs valeurs. Supports de scénarios prospectifs, les modèles peuvent donner à voir, à « imaginer », ce qui est à venir, et proposent d’arbitrer entre ces différents futurs. Ils associent des considérations ontologiques (quelles entités et quelles dimensions d’un problème doivent être prises en compte ?), des hypothèses scientifiques chargées d’assurer la légitimité du résultat, un ensemble de paramètres et de données empiriques, et des projections normatives (quelles sont les actions à mettre en œuvre ?). En ouvrant la boîte noire de la modélisation, il est possible de comprendre comment les conventions opèrent, mais aussi comment certains modèles intègrent dans leurs calculs des visions du futur (scénarisation épidémiologique ou des catastrophes, etc.), et enfin les manières dont les savoirs économiques et financiers s’y greffent (calcul coûts-bénéfices, hypothèses sur l’offre et la demande). Une attention aux savoirs et au « design » technologique de ces modèles permettrait d’éclairer ces dynamiques de formation des futurs au présent, c’est-à-dire non en tant qu’ils seraient mécaniquement performatifs, mais en tant qu’ils donnent à voir un état actuel des savoirs et des cadrages dominants pour un problème donné.
  3. Un marché des modèles ? Les articles pourront également explorer les enjeux marchands liés aux modèles et aux infrastructures qui les soutiennent, au croisement des infrastructure studies, de la sociologie économique et des science and technology studies (STS). On pense ici aux questions liées aux big data et aux marchés de la production mais aussi du stockage, et aux questions de traitement et de circulation des données qui alimentent et rendent possibles les pratiques de modélisation. Comment les modèles fonctionnent-ils, sont-ils alimentés et entretenus ? Infrastructures plus ou moins complexes, ils nécessitent l’intervention de travailleur·euse·s souvent peu visibles qui peuvent aussi bien s’occuper de modifier certains paramètres de calcul, que nettoyer les bases de données qui leur permettent de tourner, ou encore entretenir les ordinateurs qui calculent. On pourra se demander ce que ce travail de maintenance révèle de la fragilité des modèles, et ce que les investissements que leur entretien suppose disent de la nature de ces outils. Les articles pourront aussi documenter ces questions sous l’angle de la sociologie du travail, entre hiérarchies professionnelles et « petites mains » des modèles. Enfin, les relations de concurrence entre modèles ou équipes modélisatrices, et leurs enjeux marchands et scientifiques, pourront être investigués dans cet axe.
  4. La critique des modèles. Enfin, nous invitons les contributions à développer une perspective qui nous semble sous-analysée, à savoir la manière dont la modélisation peut constituer un « piège », soit pour les professionnels qui les élaborent, soit pour ceux·celles qui les utilisent. Comme les modèles ont pour objet l’aide à la décision, leurs résultats circulent entre différentes arènes, ouvrant ainsi la possibilité de leur questionnement voire leur critique. Cet axe invite à interroger la spécificité des épreuves rencontrées par ces instruments : quelles sont les critiques dont les modèles font l’objet, et qu’est-ce que la modélisation fait à la critique ? Réclame-t-elle des registres, des preuves ou des arguments spécifiques des acteur·rice·s qui cherchent à la contester ? Nous faisons l’hypothèse que les épreuves rencontrées par les modèles engagent des disputes portant à la fois sur les savoirs et les formes de régulation politique de ce qui est modélisé. Nous encourageons enfin les contributions à documenter ce que le « big data» – qui permet une forme de « dé-théorisation » des modèles – implique en termes de possibilités de critique et de résistance.

Les articles, de 50 000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie compris) et les notes critiques, de 30 000 signes maximum, doivent être accompagnés de 5 mots-clés et d’un résumé de 150 mots (en français et en anglais). Ils devront parvenir sous forme électronique aux coordinateur·rice·s du numéro avant le 15 octobre 2020 aux adresses suivantes :

  • Henri Boullier : h.boullier@gmail.com
  • Lise Cornilleau : lise.cornilleau@sciencespo.fr
  • Jean-Noël Jouzel : jeannoel.jouzel@sciencespo.fr
  • Pierre-André Juven : pierre-andre.juven@cnrs.fr

Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont consultables sur le site de la revue : http://tt.hypotheses.org/consignes-aux-contributeurs/mise-en-forme

terrains & travaux accueille par ailleurs des articles hors dossier thématique (50 000 signes maximum), qui doivent être envoyés à :

  • Vincent Arnaud-Chappe : vincent-arnaud.chappe@ehess.fr
  • Milena Jaksic : milena.jaksic@gmail.com
  • Élise Palomares : elise.palomares@univ-rouen.fr

Pour plus de détails, merci de consulter le site de la revue : http://tt.hypotheses.org

Appel à contributions – Revue Terrains & Travaux – 15/11/2020 Lire la suite »

Corps en colère – Revue L’Homme & la Société 2019/1 (n° 209)

Le dernier numéro de la Revue L’Homme & la Société hébergée par la MSH Paris-Saclay, vient de paraître :

Corps en Colère (n°209), coordonné par Annie Benveniste et Valérie Pouzol

Huit ans après les révoltes qui ont éclaté dans les pays arabes, la littérature existante témoigne de la répercussion des mouvements et des réponses souvent violentes qu’ont apportées les pouvoirs en place à la volonté de subversion des rapports sociaux et des rapports de genre. Ni bilan, ni réquisitoire, ce numéro de l’Homme et la Société explore la façon dont les diverses manifestations de la rébellion et de sa répression ont posé la question de la visibilité et de l’intense politisation des corps.

« Corps en colère » situe la réflexion au niveau des sujets en rébellion. Il part de la façon dont les corps parlent, s’insurgent, pour réfléchir à la dynamique des mouvements sociaux. Il examine la façon dont ces derniers ont pris des formes mobiles ou fragmentées, qu’il s’agisse de soulèvements radicaux ou de révoltes plus limitées mais constantes, bien que peu visibilisées. Cet angle de vue conduit à des analyses sur les nouveaux acteurs et actrices de ces luttes, leurs innovations en termes de luttes, mais aussi sur les nouveaux outils à inventer pour en rendre compte. En effet, les formes de contestation de l’ordre social sont multiples et ne se réduisent pas au répertoire des mouvements sociaux décrits par les politologues. Elles incluent des modalités qui relèvent de la performance artistique à portée hautement politique, quand les corps sont soumis à des épreuves qui incarnent la résistance.

Le numéro scrute aussi la reconstruction mémorielle des événements qui entraîne la sélection des figures emblématiques. Il montre comment la mémoire hiérarchise non seulement les actes mais leurs auteurs, valorisant souvent le sacrifice des hommes et rétablissant, à travers une stricte répartition des rôles, un ordre social que les rébellions avaient pourtant cherché à contester.


Disponible chez L’Harmattan ou sur Cairn

Corps en colère – Revue L’Homme & la Société 2019/1 (n° 209) Lire la suite »

La MSH paris-Saclay recrute un.e éditeur/trice

L’éditeur/trice prend en charge la mise en œuvre du programme éditorial de la MSH en assurant la réalisation de publications imprimées et/ou électroniques et leur mise à disposition du public (revues électroniques et papiers, e books, monographies, etc.).

Il/elle travaillera sous la responsabilité de la Direction de la MSH Paris-Saclay. Il/elle devra assurer un lien et une collaboration avec les éditeurs des laboratoires du périmètre de la MSH.

Lieu de travail : GIF SUR YVETTE
Date de publication : vendredi 27 mars 2020
Type de contrat : CDD Technique/Administratif
Durée du contrat : 12 mois
Date d’embauche prévue : 1 mai 2020
Quotité de travail : Temps complet

Consulter le profil de poste : https://bit.ly/2JjvjD5

La MSH paris-Saclay recrute un.e éditeur/trice Lire la suite »

Vient de paraître ! N°35 de la Revue Terrains & Travaux

Terrains & travaux 2019/2 (N° 35) , disponible sur Cairn.

Enquêter sur les rémunérations

  • Introduction
  • Tout salaire mérite enquête
  • Sophie Bernard, Élodie Béthoux et Élise Penalva Icher
  • Agentes artistiques : des faiseuses de noms et de rémunérations
  • Delphine Naudier
  • Les disparités de traitement entre nouveaux et anciens salariés
  • L’institutionnalisation des inégalités de rémunération au Québec
  • Mélanie Laroche, Patrice Jalette et Frédéric Lauzon Duguay
  • Quantifier les inégalités salariales
  • La sophistication de la mesure, au risque de la justification des inégalités ?
  • Clotilde Coron
  • La rémunération des élus
  • L’inégal accès à la professionnalisation politique
  • Didier Demazière et Rémy Le Saout
  • « Pour des développeurs, c’est pas énorme ! »
  • Fabriquer et justifier de moindres remunerations
  • Camille Dupuy et François Sarfati
  • La fabrique de l’intérêt collectif
  • Politiques de rémunérations et formes de solidarité sociale dans des coopératives de production
  • Anne Catherine Wagner
  • Quand les hommes cuisinent au quotidien
  • Vers la « masculinisation » d’une pratique domestique
  • Angèle Fouquet

Vient de paraître ! N°35 de la Revue Terrains & Travaux Lire la suite »

Retour en haut