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Appel à contributions pour terrains & travaux : Les ancrages sociaux de la grève

Appel à contributions pour terrains & travaux : "Les ancrages sociaux de la grève"

INFORMATIONS

La revue terrains & travaux, accompagnée par la MSH Paris-Saclay, lance un appel à contributions pour son dossier thématique : « Les ancrages sociaux de la grève ».

Date de clôture de l’appel : 31 janvier 2025

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Présentation de l'appel

L’actualité sociale de ces dernières années a été marquée par de nombreux conflits sociaux de grande ampleur. Ces luttes se sont déployées aussi bien à l’échelle interprofessionnelle (grèves contre la Loi Travail en 2016 et contre la réforme des retraites en 2019 et 2023) qu’à celle des entreprises (grève des cheminot·e·s en 2018, grèves de postier·e·s, grèves pour les salaires face à l’inflation). Elles ne sont pas cantonnées à la France puisqu’on les retrouve dans des pays aussi variés que les États-Unis, le Bangladesh ou l’Argentine, où le droit du travail et/ou l’organisation de la défense des salarié·e·s connaissent ou ont connu des politiques intenses de répression ou de domestication. À l’image du dernier mouvement de protestation contre la réforme des retraites, les grèves suscitent aussi de grands élans de solidarité, réactivant l’idée de « grèves par procuration ». De plus, ces mobilisations se sont parfois déployées en dehors des « bastions traditionnels » du mouvement ouvrier, à l’image des grèves des femmes de chambre, des ouvrier·e·s du secteur logistique, des livreurs·euses « ubérisé·e·s », des travailleurs·euses sans-papiers de la restauration ou de la construction. Enfin, la mobilisation de l’imaginaire de la grève autour d’objets hétérogènes et de plus en plus éloignés du champ des relations professionnelles instituées, par les mouvements féministes (grève des femmes contre les inégalités de salaires ou le travail domestique) et écologiques (grèves contre l’inaction climatique des gouvernements), témoigne a minima d’une certaine revitalisation politique et symbolique de cette modalité d’action. Ces réappropriations questionnent d’autant plus ce qui « fait grève » que, dans le même temps, certains syndicats ont au contraire tendance à recourir à des formes d’euphémisation ou de périphrase (« mettre le pays à l’arrêt », « tout bloquer »…).

Si elle n’a pas disparu, la grève apparaît cependant moins au cœur du répertoire d’action syndical qu’elle ne l’était auparavant. Les possibilités de recours à la grève et les modalités de ses usages se reconfigurent tout d’abord sous l’effet de l’institutionnalisation croissante du syndicalisme et de l’évolution du profil militant de ses représentants. Dans le même temps, elles se transforment à l’épreuve des nouvelles contraintes économiques, légales et idéologiques qui caractérisent le capitalisme contemporain. La diffusion du crédit à la consommation, la diminution du « reste à vivre » et plus récemment la poussée inflationniste, reposent par exemple la question du coût matériel et financier de la pratique gréviste pour un salariat précarisé. Dans le même temps, les restructurations du système productif, l’éclatement des collectifs de travail, l’affaiblissement des organisations syndicales et le durcissement des dispositifs légaux (restriction du droit de grève dans le privé, « service minimum » dans le public) ont contribué à la diminution de l’intensité des grèves dans les économies occidentales. En France, par exemple, les grèves sont tendanciellement moins massives, plus souvent défensives et concentrées sur quelques secteurs (la fonction publique, les anciennes entreprises publiques de transport, quelques grandes entreprises de l’industrie). Si le grand conflit social contre la réforme des retraites en 2023 a témoigné du maintien d’une réelle capacité de mobilisation des organisations syndicales, il a cependant illustré leurs difficultés à faire de la grève la modalité centrale de la protestation. À cette occasion, des modalités d’action traditionnelles, comme les piquets de grève ou les assemblées générales, ont aussi semblé montrer une forme (temporaire ?) d’épuisement.

Cette double dynamique est donc paradoxale. Elle nous invite à étudier conjointement la continuité du répertoire d’action syndicale et le renouvellement des possibilités de la grève et de ses pratiques. Dans cette perspective, ce dossier se propose d’étudier les modalités d’ancrage social de la pratique de la grève. Son objectif est d’analyser ensemble celles et ceux qui font grève dans un contexte où ils et elles sont de plus en plus minoritaires à le faire, les soutiens que les grèves coalisent comme les contre-mobilisations qu’elles peuvent susciter, avec l’ambition de contribuer à mieux rendre compte des obstacles à la grève, de ses conditions de possibilité et des modalités renouvelées d’appropriation de la pratique gréviste. Pour cela, trois angles seront privilégiés.

1. Les conditions d’(im)possibilité des grèves

Ce dossier a d’abord pour ambition d’explorer les contextes sociaux de la grève.

Les données statistiques relatives aux grèves mettent en évidence leur distribution très inégale dans le monde salarial. Celle-ci est à mettre évidemment en perspective avec la variété des modalités de la présence syndicale, des configurations de rapports salariaux et des modes de structuration des collectifs de travail, plus souvent disloqués que par le passé (diversification des statuts d’emploi, dispersion des lieux de travail, développement des horaires atypiques et du télétravail, etc.). Elle nécessite néanmoins de mieux documenter les stratégies patronales d’évitement des grèves ou de contournement des tentatives de mobilisation syndicale, allant parfois jusqu’à susciter des contre-mobilisations. Dans une perspective complémentaire, il est nécessaire de mieux analyser les frontières sociales et politiques de la pratique de la grève, en lien avec la transformation de la morphologie du salariat et de ses modes de politisation. Que nous dit en effet la pratique socialement située de la grève sur l’évolution et la diversité du rapport des salarié·es à ce mode emblématique de mobilisation professionnelle ? Dans un contexte marqué par la tertiarisation de l’économie, on pourra tout autant se demander dans quelle mesure et de quelle manière les organisations syndicales adaptent en conséquence leurs façons de faire usage de la grève, que les salarié·es soient empêché·es de cesser le travail (par exemple dans le secteur de la santé), qu’ils et elles se l’interdisent (notamment pour ne pas pénaliser des usagers), ou que la grève leur apparaisse trop coûteuse, voire inutile. Ce dossier invite ce faisant à penser ensemble les obstacles à la diffusion de la pratique gréviste et la diversité de ses modalités d’appropriation possibles, notamment dans des contextes où elle est rare. Il propose également de mettre en perspective le déclin de l’intensité des grèves, observé dans le contexte occidental, avec le redéploiement des grèves dans les Suds, que les nouvelles formes de division internationale du travail ont rendu possible.

2. Faire grève

Ce dossier entend ensuite explorer les pratiques contemporaines de la grève.

La dislocation des grandes concentrations ouvrières, qui facilitaient le recours à la grève et la rendaient visible par son caractère massif, n’a pas seulement remis en cause l’importance stratégique généralement attribuée aux grèves dans la conflictualité salariale. Les transformations du mode de production capitaliste ont aussi contribué à l’atomisation des conflits du travail et à modifier les modalités possibles de leur organisation et de leur déroulement. Dans le même temps, des débrayages ont lieu dans les nouveaux « goulots d’étranglement » du capitalisme que sont les entrepôts logistiques, et des mouvements collectifs de déconnexion volontaire s’organisent parmi les travailleur·euses ubérisé·es. Comment se réinventent donc les stratégies de la grève et les modalités du répertoire d’action gréviste en dehors des « bastions traditionnels » ? Assiste-t-on à l’émergence de nouveaux « foyers » grévistes, porteurs d’un renouvellement des pratiques ? À l’image des grèves de l’hôtel Ibis ou de l’usine Verbaudet, certains conflits récents interrogent également l’articulation des identités de classe, de genre et de race. Plus largement, comment se différencient les manières de faire grève selon que l’on est cadre, ouvrier·e métallurgiste, cheminot·e, femme de chambre ou livreur·euse ? Quelles acceptions la pratique de la grève prend-t-elle dans un contexte d’institutionnalisation du syndicalisme et d’autonomisation par rapport au champ politique ? Pour en rendre compte, l’analyse de son ancrage dans d’autres contextes nationaux que la France, héritiers de modèles syndicaux différents ou en leur absence totale, apparaît particulièrement bienvenue. Des mises en perspective historiques des pratiques grévistes pourraient également se révéler éclairantes pour mieux comprendre les appropriations différenciées de la grève qu’on observe aujourd’hui.

3. La grève : un prolongement des solidarités extérieures aux entreprises ?

En sciences sociales, la pratique gréviste a le plus souvent été abordée comme une relation triangulaire impliquant les salarié·es, leurs organisations syndicales et les directions d’entreprise, comme si les relations professionnelles étaient un champ autonome et entièrement désencastré des autres rapports sociaux. Les grèves et le soutien dont elles peuvent bénéficier sont pourtant fortement déterminés par leur inscription dans des configurations sociales qui débordent le lieu de travail : c’est pourquoi il est nécessaire de les aborder de manière décloisonnée. Il s’agira donc ici de se pencher sur les différents soutiens extérieurs à la grève, en interrogeant les pratiques et le sens de la solidarité ouvrière, mais aussi des solidarités familiales, communautaires ou organisationnelles. En mobilisant les apports de la sociologie urbaine et de la géographie sociale, il serait intéressant d’éclairer les ancrages territoriaux de la pratique gréviste. Enfin, si ces solidarités diverses peuvent contribuer à rendre la grève possible ou lui permettre de durer, elles peuvent également conduire à certaines pratiques délégataires de l’arrêt de travail. Ainsi, les soutiens extérieurs ont parfois permis le succès de certaines luttes selon une logique de « grève par procuration », mais ils ont aussi pu marquer une délimitation entre les salarié·es encore en capacité de faire grève et ceux qui ne pourraient que les soutenir, et conduire alors à isoler les « bastions » des grèves. D’ailleurs, certains blocages récents (d’incinérateurs ou de dépôts d’éboueurs) questionnent aussi la manière dont l’action de ces soutiens extérieurs s’articule à celle des salariés mobilisés : vient-elle en renfort à la grève des salariés ou tend-elle à s’y substituer ? Que nous disent ces différentes formes de « grève par procuration » sur le conflit social aujourd’hui ? De quelle manière la solidarité avec les grévistes refaçonne-t-elle la division du travail militant ? Contribue-t-elle à l’élargissement des pratiques canoniques de la grève, ou manifeste-t-elle au contraire une autre forme de son épuisement ?

Ce dossier réunira des articles empiriques originaux de sciences sociales (sociologie, science politique, histoire, géographie, sciences de gestion, économie, etc.). Les études de cas internationaux seront aussi les bienvenues.

[Illustration : Miguel Ausejo sur Unsplash]

Consignes de soumission

  • Les articles, de 50 000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie compris), doivent être accompagnés de 5 mots-clés et d’un résumé de 150 mots (en français et en anglais).

Ils devront parvenir aux coordinateur·rices du numéro avant le 31 janvier 2025 aux adresses suivantes :

Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont consultables sur le site de la revue : http://tt.hypotheses.org/consignes-aux-contributeurs/mise-en-forme

 

terrains & travaux accueille par ailleurs des articles varia, hors dossier thématique (50 000 signes maximum), qui doivent être envoyés à :

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Numéro 114-115 de Droit et Société : Droit en contexte autoritaire

Numéro 114-115 de Droit et société : Droit en contexte autoritaire

Le numéro 114-115 (2023/2-3) de Droit et Société, revue accompagnée par la MSH Paris-Saclay, vient de paraître !

DROIT EN CONTEXTE AUTORITAIRE

Numéro coordonné par Baudouin Dupret et Liora Israël

Le numéro 114-115 (2023/2-2) de Droit et Société est constitué d’un dossier thématique intitulé « Droit en contexte autoritaire », de deux textes en rubrique « À propos » – l’un sur Les Récits judiciaires de l’Europe, l’autre sur un ensemble de parutions récentes autour de la notion d’État de droit –, de trois articles en rubrique « Études » et d’un texte inédit du juriste colombien Felipe Clavijo-Ospina traduit de l’espagnol.

Sommaire

Droit en contexte autoritaire

DOSSIER Droit en contexte autoritaire
– Coordonné par Baudouin Dupret et Liora Israël
À PROPOS
ÉTUDES
TRADUIT POUR VOUS

Diffusion

Ce numéro est disponible en version papier auprès des Éditions Lextenso et en version numérique sur le portail Cairn.

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Appel à contributions pour terrains & travaux : Violences de genre à l’encontre des groupes minorisés

Appel à contributions pour terrains & travaux : "Violences de genre à l'encontre des groupes minorisés"

INFORMATIONS

La revue terrains & travaux, accompagnée par la MSH Paris-Saclay, lance un appel à contributions pour son dossier thématique : « Rétribuer, inciter, dédommager : les compensations financières et matérielles dans les enquêtes Violences de genre à l’encontre des groupes minorisés ».

Date de clôture de l’appel : 12 septembre 2024

Télécharger ici l’appel au format PDF

Présentation de l'appel

Depuis que #MeToo a placé la question des violences sexuelles subies par les femmes au cœur du débat public, des associations et scientifiques ont cherché à élargir le débat pour mettre en lumière la diversité des violences fondées sur le genre. Ces dernières renvoient à des violences interpersonnelles ancrées dans des rapports de genre qui reproduisent des normes et des inégalités structurelles de pouvoir autant qu’elles en sont le produit. Ces actes peuvent être différenciés selon leur nature (physique, sexuelle, verbale, etc.), les espaces dans lesquels ils surviennent (travail, rue, relations intimes, etc.), ou le type de personnes qu’ils affectent (femmes, hommes, adultes, enfants, minorités sexuelles, etc.). Si, comme le soulignent les données statistiques produites par l’enquête Violences et rapport de genre (Virage, Ined, 2015), ces violences sont essentiellement commises par des hommes à l’encontre de femmes, diverses études font apparaître une forte déclaration des violences de genre chez les populations minorisées dans le monde social. C’est par exemple le cas des femmes précaires, des migrantes, de celles qui vivent avec le VIH ou avec un handicap, des femmes sans-domicile, des minorités sexuelles féminines ou des femmes trans. Mais c’est aussi le cas des enfants et de certains hommes minorisés, tels que les hommes migrants, sans-domicile fixe, homosexuels ou trans. Ces résultats nous rappellent que le genre ne façonne pas seulement les rapports femmes/hommes : il produit également des différences et des hiérarchies au sein du groupe des femmes et de celui des hommes qui favorisent la perpétration de violences, en particulier à l’encontre de celles et ceux qui occupent une position dominée au sein de chacun de ces deux groupes. En retour, ces violences consolident ces hiérarchies. Par exemple, dans les cas des masculinités, les hommes victimes de viols en prison ou en temps de guerre sont considérés comme moins masculins, autrement dit, ils sont féminisés.

En outre, l’étude des violences de genre subies par les populations minorisées interroge les cadres d’analyse féministes qui se sont révélés particulièrement fructueux pour saisir les actes perpétrés par des hommes sur les femmes, hétérosexuel·les et cisgenres, et comprendre comment ils façonnent la vie des femmes. Ces cadres peinent en effet à tenir pleinement compte des effets de l’articulation du genre avec les rapports sociaux et de pouvoir (par exemple ceux de classe, de race ou d’âge). En quoi l’interaction du genre avec d’autres rapports sociaux et de pouvoir contribue-t-elle à produire des violences interpersonnelles ? En quoi l’expérience des violences est-elle façonnée par le contexte de minorisation ? S’intéresser aux déclarations de violences des populations minorisées incite alors à adopter une approche capable de penser la manière dont le genre est façonné par d’autres rapports sociaux.

Cet appel à articles a pour double objectif de documenter des objets encore peu saisis en sciences sociales (des violences de genre plus marginales ou vécues plus typiquement par des groupes minorisés) et d’explorer davantage les relations entre violence, genre et d’autres rapports sociaux et de pouvoir. Il cherche à faire un état des lieux et à confronter les travaux actuels sur la question, au sein de l’espace francophone et au-delà, en croisant les regards disciplinaires (sociologie, science politique, histoire, géographie, démographie, anthropologie, santé publique, etc.). Les propositions d’articles devront relever d’une approche empirique (terrains ou archives, données quantitatives ou qualitatives) et pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes suivants.

1. Production de la violence et rapports sociaux multiples

Ce premier axe s’intéresse à la façon dont les violences subies par les populations minorisées invitent à renouveler et à complexifier l’analyse des rapports sociaux. Dans une perspective intersectionnelle, attentive à l’articulation des rapports sociaux et de pouvoir, de plus en plus de travaux s’intéressent à la production sociale des violences de genre et mettent en évidence l’importance non seulement de l’asymétrie de genre, mais aussi des inégalités économiques, statutaires, raciales et spatiales. Par exemple, le différentiel de pouvoir dans des relations, dans le cas de dépendance (économique, médicale, etc.) ou de différences d’âge, engendre un contexte de vulnérabilité sociale qui favorise le déploiement des violences de genre. En se penchant sur différents groupes marginalisés, les articles de cet axe pourront traiter de la construction des violences de genre : quels sont les dimensions sociologiques et les contextes qui favorisent l’émergence de ces actes aussi bien que leur dénonciation ? Comment les rapports sociaux de race, de classe ou d’âge, par exemple, redéfinissent les rapports de genre et exposent les individus aux violences ? En quoi ces expériences de violences sont-elles spécifiques, voire se distinguent-elles de celles des groupes majoritaires ? Quel est enfin l’effet des positions minorisées sur le rapport aux violences de genre, à leur identification et à leur dénonciation ? Dans quelle mesure des expériences ou des sociabilités minorisées développeraient la propension à dénoncer des actes subis ?

D’autres travaux s’intéressent non pas aux situations minoritaires qui produisent les violences de genre, mais à la façon dont ces violences sont susceptibles de contribuer aux logiques de minorisation. Bien que cette hypothèse contienne le risque d’adopter une approche pathologisante et réductrice des violences de genre et, ainsi, de négliger le rôle d’autres caractéristiques de la vie des individus (précarité, racisme, etc.), elle interroge la façon dont les expériences de violences travaillent le rapport aux normes de genre. Outre l’exemple des hommes victimes de viols en prison ou en temps de guerre, les violences sexuelles subies par les femmes avant leur entrée dans la sexualité ou au début de celle-ci seraient susceptibles de façonner, au moins en partie, le reste de leur parcours sexuel et participer de la mise à distance de certaines dimensions de l’hétéronormativité, en particulier l’hétérosexualité. Par ailleurs, si les parcours migratoires sont propices aux violences, ces dernières peuvent également être identifiées comme un motif de migrations. Les articles s’inscrivant dans cet axe pourront porter tant sur les difficultés qui entourent la mise au jour de ces mécanismes, que sur la critique de cette approche qui pense que les violences de genre peuvent façonner le rapport au genre des individus et ainsi contribuer à les minorer.

2. Construction de l’action publique et mobilisations collectives

Historiquement, l’action étatique et associative s’est développée en se concentrant sur les violences masculines faites aux femmes sans bien tenir compte des populations minorisées. Certaines campagnes et mesures ont visé des violences spécifiquement subies par les femmes migrantes (mariage forcé, excision) et des associations ont pu se constituer pour accompagner par exemple les femmes en situation de handicap ou lesbiennes, mais ces initiatives n’ont pas transformé le cadrage général des politiques publiques. Non seulement certaines catégories de populations restent largement absentes des cibles de l’action publique, mais leurs conditions matérielles d’existence ne sont pas pleinement prises en compte. Au début des années 1990, la juriste Kimberlé Crenshaw prend l’exemple de la lutte contre le viol pour souligner l’exclusion sociale et raciale qu’engendrent les actions des militantes féministes majoritaires et des pouvoirs publics qui se concentrent sur la pénalisation. Celles-ci occultent ce que représentent les forces de l’ordre et le monde judiciaire pour des femmes noires dans un contexte de racisme institutionnel, ainsi que les besoins des femmes noires en matière de logement et d’accès aux droits. Cette critique de l’action publique peut se transposer à d’autres catégories sociales, en particulier les femmes des classes populaires, dont les conditions d’autonomisation peuvent dépendre des politiques sociales.

L’occultation des populations minorisées s’accompagne toutefois d’une mise en lumière de certaines affaires (comme celle des « tournantes » au début des années 2000) ou de certaines catégories de violences (l’excision, par exemple) qui tendent à racialiser ou à territorialiser le problème des violences fondées sur le genre. Dans ce cas, des violences quantitativement minoritaires tendent à devenir une grille de lecture de l’ensemble des violences dans l’espace public, et occultent celles, majoritaires, qui sont commises dans la sphère privée. Cet axe appelle des contributions qui s’attachent à analyser cette tension structurante dans la définition des contours des problèmes publics et la construction de l’action publique.

3. Conditions d’objectivation des violences de genre subies par les populations minorisées

Un dernier axe vise à interroger les conditions d’objectivation des violences de genre subies par les populations minorisées dans les enquêtes sociologiques, historiques, quantitatives ou qualitatives. La production de données statistiques détaillées pour décrire et comprendre la forte déclaration de violences des populations minorisées est limitée, du fait de leurs effectifs relativement faibles dans les échantillons en population générale. Les collectes alternatives – échantillons de convenance, méthodes mixtes avec des entretiens ou des observations qualitatives, etc. – peuvent alors être nécessaires et utiles pour étudier les parcours de ces populations et mieux connaître leurs expériences. Les enquêtes fondées sur des entretiens et des terrains ethnographiques soulèvent des questions méthodologiques semblables s’agissant de la constitution des matériaux et des conditions d’émergence d’un discours sur les violences : comment recueillir, et parfois qualifier et requalifier, les expériences des individus pour faire surgir la question des violences au cours des entretiens et de leurs analyses ? Comment se rendre dans des espaces traversés par les violences mais difficilement accessibles, comme les zones de conflits ou certaines frontières ? Comment saisir la façon dont l’organisation formelle et informelle des espaces de grande vulnérabilité participe à la production de violences de genre ? De la même manière, la production de savoirs historiens sur les dimensions prises par les violences à l’encontre de groupes minorisés et ce qu’en disent celles et ceux qui les vivent au cours du temps requiert des méthodologies propres, qui pourront être présentées dans cet axe. Les contributions pourront également traiter des nouveaux défis posés par le numérique pour la constitution de son propre matériau, dans le contexte d’un espace numérique où les voix minorisées font l’objet d’attaques organisées virulentes.

Consignes de soumission

  • Les articles, de 50 000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie compris), doivent être accompagnés de 5 mots-clés et d’un résumé de 150 mots (en français et en anglais).

Ils devront parvenir aux coordinateur·rices du numéro avant le 12 septembre 2024 aux adresses suivantes :

Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont consultables sur le site de la revue : http://tt.hypotheses.org/consignes-aux-contributeurs/mise-en-forme

Des intentions de soumettre un article peuvent être envoyées aux coordinatrices pour le 15 avril 2024 ; ces dernières donneront alors, si nécessaire, aux contributrices·eurs potentiel·les un avis indicatif sur l’intérêt de leur proposition, sur son adéquation à l’appel et/ou sur une orientation que l’article pourrait privilégier. L’avis du comité de rédaction ne sera transmis qu’après l’examen des versions complètes du texte.

terrains & travaux accueille par ailleurs des articles varia, hors dossier thématique (50 000 signes maximum), qui doivent être envoyés à :

Présentation des coordinatrices

Pauline Delage, sociologue, chargée de recherche CNRS, rattachée au CRESPPA-CSU, et co-coordinatrice du réseau de recherche Violences fondées sur le genre (VisaGe). Ses travaux portent essentiellement sur les transformations des mouvements féministes et sur l’action publique contre les violences de genre.

Émeline Fourment, politiste, MCF à l’Université de Rouen Normandie, rattachée au CUREJ, et co-cordinatrice du réseau VisaGe. Sa thèse soutenue en janvier 2021 portait sur les appropriations des théories féministes à Berlin et Montréal. Elle s’intéresse aujourd’hui d’une part, aux questions des pratiques aternatives à la justice pénale en matière de violences sexuelles et, d’autre part, aux production des savoirs sur la santé des femmes dans le mouvement des femmes ouest-allemand des années 1970-1980.

Margot Giacinti, docteure en science politique rattachée au Laboratoire Triangle (ENS de Lyon) et co-coordinatrice du réseau ViSaGe. Ses recherches de doctorat ont porté sur le féminicide en France, dans une perspective socio-historique et d’histoire sociale des idées politiques. Elle s’intérèsse aujourd’hui à la question des violences faites aux femmes âgées.

Tania Lejbowicz, sociodémographe, postdoctorante au Centre de recherche de l’Institut de Démographie de l’université Paris 1 (Cridup), docteure affiliée à l’Institut national d’études démographique (Ined) et co-coordinatrice du réseau VisaGe. Ses travaux portent sur les rapports de genre, la sexualité et la conjugalité à travers, entre autres, l’étude des expériences de violences.

Anna Perraudin, sociologue, chargée de recherche au CNRS, rattachée à l’UMR Citeres, Université de Tours, et membre de l’Institut migrations. Ses travaux portent sur les migrations internationales, avec une approche attentive aux rapports sociaux de genre, de classe, de race, et aux statuts migratoires.

[illustration : Margot Giacinti]

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Numéro 13 de Biens symboliques / Symbolic Goods : Circulation transnationale de modèles d’action culturelle

Numéro 13 de Biens symboliques / Symbolic Goods : Circulation transnationale de modèles d’action culturelle / Transnational Circulation of Cultural Action Models

Le numéro 13 (2023/1) de Biens symboliques / Symbolic Goods, revue accompagnée par la MSH Paris-Saclay, vient de paraître !

Circulation transnationale de modèles d’action culturelle / Transnational Circulation of Cultural Action Models

Numéro coordonné par Élodie Bordat-Chauvin et Antonios Vlassis

Le numéro 13 (2023/2) de Biens symboliques / Symbolic Goods est constitué d’un dossier thématique intitulé « Circulation transnationale de modèles d’action culturelle », entièrement traduit en anglais sous le titre « Transnational Circulation of Cultural Action Models ».

Sommaire

Circulation transnationale de modèles d’action culturelle

Transnational Circulation of Cultural Action Models

DOSSIER
– Coordonné par Élodie Bordat-Chauvin et Antonios Vlassis

Diffusion

Ce numéro est disponible en version électronique via OpenEdition Journals.

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Appel à contributions pour L’Homme & la Société « Quel sujet digital, quelle société à l’ère du numérique ? »

Appel à contributions pour L'Homme & la Société : "Quel sujet digital, quelle société à l'ère du numérique ?"

INFORMATIONS

L’Homme & la Société, revue accompagnée par la MSH Paris-Saclay, lance un appel à contributions pour son dossier : « Quel sujet digital, quelle société à l’ère du numérique ? ».

Les conditions de soumission, les axes thématiques envisagés, ainsi que les contacts pour répondre à cet appel sont à retrouver sur Calenda.

Date de clôture de l’appel : 31 mars 2024

Résumé

Les outils numériques sont-ils des instruments de liberté ou d’aliénation et de dépendance et à quel degré ? Ces outils ont transformé les espaces publics et passent pour rendre la vie plus facile en termes de communication et de mobilité, de gestion et d’administration, de mémoire et de transmission. Ils installent de nouveaux mode d’interaction et de mobilisation, de rapports sociaux et de liens d’interface. Ils sont portés par un imaginaire de la « nouvelle frontière », vers un capitalisme réenchanté. Ils ont permis une réorganisation logistique à l’échelle globale. À quel prix pour la société, les sociétés, le sujet individuel, le citoyen, les relations intersubjectives ? Pour la biosphère ? La démocratie ? Les mutations engendrées sont fulgurantes, et les sciences sociales doivent continuer à s’emparer de leur compréhension processuelle.

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Numéro 12 de Biens symboliques / Symbolic Goods : L’édition des sciences humaines et sociales. Un sous-champ en mutation

Numéro 12 de Biens symboliques / Symbolic Goods : L’édition des sciences humaines et sociales. Un sous-champ en mutation

Le numéro 12 (2023/1) de Biens symboliques / Symbolic Goods, revue accompagnée par la MSH Paris-Saclay, vient de paraître !

L’édition des sciences humaines et sociales : un sous-champ en mutation

Numéro coordonné par Gisèle Sapiro et Hélène Seiler-Juilleret

Le numéro 12 (2023/1) de Biens symboliques / Symbolic Goods est constitué d’un dossier thématique intitulé « L’édition des sciences humaines et sociales : un sous-champ en mutation » – comprenant un article qui inaugure la nouvelle rubrique « Science ouverte » de la revue – et d’un article Varia.

Faute de financements au moment de sa préparation, le dossier est exceptionnellement monolingue. Une traduction en anglais pourra en être proposée ultérieurement.

Sommaire

L’édition des sciences humaines et sociales : un sous-champ en mutation

DOSSIER 
– Coordonné par Gisèle Sapiro et Hélène Seiler-Juilleret
Science ouverte
VARIA

Diffusion

Ce numéro est disponible en version électronique via OpenEdition Journals.

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Numéro 113 de Droit et Société : Droit et handicap

Numéro 113 de Droit et société : Droit et handicap

Le numéro 113 (2023/1) de Droit et Société, revue accompagnée par la MSH Paris-Saclay, vient de paraître !

DROIT ET HANDICAP

Numéro coordonné par Aude Lejeune et Anne Revillard

Le numéro 113 (2023/1) de Droit et Société est constitué d’un dossier thématique intitulé « Droit et handicap », d’un hommage à Lauren B. Edelman, de trois articles en rubrique Études, et d’un texte d’Agostino Carrino traduit de l’italien.

Sommaire

Droit et Handicap

À PROPOS In Memoriam Lauren B. Edelman
DOSSIER Droit et handicap
– Coordonné par Aude Lejeune et Anne Revillard
ÉTUDES
 
TRADUIT POUR VOUS

Diffusion

Ce numéro est disponible en version papier auprès des Éditions Lextenso et en version électronique via le portail Cairn.

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Appel à contributions pour terrains & travaux : Rétribuer, inciter, dédommager

Appel à contributions pour terrains & travaux : "Rétribuer, inciter, dédommager : les compensations financières et matérielles dans les enquêtes"

INFORMATIONS

La revue terrains & travaux, accompagnée par la MSH Paris-Saclay, lance un appel à contributions pour son dossier thématique : « Rétribuer, inciter, dédommager : les compensations financières et matérielles dans les enquêtes ».

Date de clôture de l’appel : 16 février 2024

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Présentation de l'appel

Alors que l’argent a longtemps été un impensé dans la pratique de l’enquête en sciences sociales, de nombreuses recherches questionnent aujourd’hui ses multiples usages, ses significations, ses effets, mais aussi ses frontières avec d’autres formes de rétributions matérielles. Plusieurs expressions existent pour qualifier ces pratiques diversifiées : payer, rétribuer, rémunérer, inciter ou « incentiver », dédommager, compenser, fidéliser, remercier les enquêté·es. On peut aussi penser aux nombreuses pratiques de don ou contre-don engagées à ces mêmes fins et qui ont une dimension matérielle : offrir un café, payer des services (course en taxi, location d’un logement, repas au restaurant…) ou offrir les siens (woofing par exemple). Pourtant, peu de travaux ont été menés à ce jour pour proposer une réflexion collective, systématique et pluridisciplinaire sur ces pratiques.

Au-delà des enquêtes en sciences sociales, la rétribution des enquêté·es est également un enjeu dans d’autres domaines académiques, en sciences du vivant par exemple. Elle l’est aussi dans le cas de la recherche clinique, et c’est par ailleurs une pratique à l’œuvre dans des univers professionnels lucratifs plus éloignés de la production scientifique (enquêtes marketing…). Il semble dès lors intéressant d’examiner aussi la rencontre entre ces différentes pratiques, issues d’univers variés, en étudiant les conditions de circulation ou de cloisonnement des pratiques de rétribution d’un univers à l’autre, ainsi que les modalités et les effets de leur appropriation.

Dans cette perspective, ce numéro de terrains & travaux entend réunir des contributions en sciences sociales consacrées aux incidences de l’argent et des autres rétributions matérielles sur les situations d’enquête. Il rassemblera ainsi non seulement des contributions de nature méthodologique et épistémologique (dans lesquelles les auteurs et autrices mettront au cœur de l’analyse leur propre expérience réflexive de la rétribution des enquêté·es), mais aussi des contributions originales à partir de recherches prenant ces diverses enquêtes pour objet.

Les propositions attendues pour ce dossier présenteront de manière problématisée les circulations d’argent et d’autres biens matériels à destination des personnes participant aux enquêtes quantitatives et qualitatives. Il s’agira, sur la base de matériaux empiriques explicitement présentés et intégrés à la démonstration, d’examiner les implications méthodologiques, analytiques, éthiques, voire sociales de ces rétributions. Ces implications peuvent renvoyer à un ou plusieurs des axes suivants.

1. Rétribuer pour recruter

Un premier axe renvoie à ce que l’annonce d’une rémunération fait au recrutement des enquêté·es. Dès lors que la rémunération des enquêté·es se pratique dans les univers lucratifs (enquêtes de consommation, démarchages commerciaux…) ou dans ceux de recherche appliquée (études cliniques…), une question devient de plus en plus prégnante dans des mondes traditionnellement moins familiers de cette pratique : faut-il dédommager des enquêté·es pour garantir un bon taux de participation à l’enquête ? Est-ce d’autant plus nécessaire qu’on cherche à avoir accès à certains groupes fortement précarisés, à faibles revenus ou difficiles à joindre ? Inversement, dans quelle mesure la rétribution des enquêté·es présente-t-elle le risque d’introduire des biais dans leur recrutement ?

Il pourra s’agir ici de réfléchir également à la question de la rétribution des enquêté·es en la liant étroitement à l’examen des caractéristiques des enquêtes (pourquoi la rémunération paraît-elle plus ajustée à certains types d’enquêtes qu’à d’autres ?). On pourra aussi réfléchir à la façon dont la rétribution est pensée pour résoudre certaines difficultés identifiées par les concepteurs des enquêtes, qu’il s’agisse de difficultés matérielles (comment faire transiter de telles rétributions ?), de difficultés symboliques (comme s’affranchir de la souillure de l’argent ?), ou encore de difficultés légales (comment rétribuer sans salarier ?). C’est ainsi qu’on examinera le marquage social de la rétribution à travers la forme qui lui est donnée (bons cadeaux, chèques, dons en nature…). Enfin, on pourra étudier ici comment les pratiques de rétribution s’articulent avec d’autres leviers incitatifs déjà mobilisés (portée de la recherche sur la situation personnelle de l’enquêté·e, sens de l’intérêt public, intérêt intellectuel, moment d’introspection, etc.).

2.  Les effets sur la relation d’enquête et la qualité des données

Au-delà des effets que la rétribution peut avoir sur la structure de la population enquêtée, en accentuant par exemple la participation de certaines populations, ce deuxième axe propose d’examiner les effets de la rétribution sur la relation d’enquête et sur la « qualité » des données collectées.

Pendant l’enquête, certains échanges matériels peuvent clarifier et fluidifier les relations avec les enquêté·es. Mais ils peuvent également introduire de la gêne, des biais, porter à confusion ou encore donner prise à l’affirmation de rapports de domination entre enquêteur·trices et enquêté·es. Alors que l’effet de ces rétributions dépend des conditions sociales de la population enquêtée (on ne rétribue pas de la même manière les personnes sans domicile et les classes supérieures), comment peut-on déceler ces effets et le cas échéant, comment les enquêteur·trices composent-ils et elles avec eux ?

Ensuite, la rétribution peut modifier le rapport de l’enquêté·e à l’enquête. Les enquêté·es auraient-elles et ils, par exemple, consacré le même temps, la même énergie sans dédommagement prévu ? Se seraient-elles et ils autrement impliqué·es, appliqué·es ? Peut-on constater une accentuation de la désirabilité sociale, poussant l’enquêté·e à la dissimulation ou à la modification des informations fournies ? Il apparaît donc nécessaire de s’interroger aussi sur ce que la rétribution produit sur les motivations et sur le contenu des réponses apportées par les enquêté·es. Peut-on ainsi parler d’un contexte de professionnalisation de la condition de l’enquêté·e ? Si l’on rétribue le temps que ceux-ci consacrent à l’enquête, cette participation ne serait-elle pas assimilée à une relation salariale ou commerciale ? Et dans quelle mesure les rétributions monétaires altèrent-elles le consentement et la libre participation des enquêté·es ?

3. Quelles spécificités du monde académique ?

Le risque de biais de recrutement comme celui de l’altération de la qualité des données concernent a priori toutes les enquêtes, qu’elles émanent du monde académique ou des autres secteurs (sondages, marketing…). À cet égard, les deux premiers axes de l’appel seront déjà l’occasion d’interroger les spécificités du monde académique dans la prise en considération de ces enjeux.

Par ailleurs, le recours aux dédommagements pose de manière impérative la question du financement des enquêtes. On pourrait donc réfléchir, d’abord, en termes de différence de moyens entre ceux dont dispose la recherche publique et ceux dont bénéficient les instituts privés de sondages ou les enquêtes d’opinion financées par certain·es acteur·rices du monde économique. Quel est le modèle économique de ces organismes privés ? La pratique de la rémunération est-elle compatible avec les contraintes financières du monde scientifique ? Est-il à la portée de toutes et tous ou est-il l’apanage de projets de recherche de grande ampleur bénéficiant de financements importants ? Quel serait, si le recours aux rétributions venait à se développer, le devenir des recherches de moindre envergure ou plus faiblement dotées, comme c’est le cas par exemple des thèses ? Quel serait ainsi l’impact plus général de ces pratiques sur la demande et les sources de financement ainsi que sur l’organisation de la recherche ? 

De telles considérations conduisent donc à réfléchir aussi aux effets plus structurels que peut avoir l’essor de ces pratiques sur le champ académique. Dans quelle mesure la rétribution des enquêté.es, jusqu’ici souvent perçue comme contraire aux canons de la recherche en sciences sociales, mais usuelle dans d’autres domaines comme l’épidémiologie, tend-elle à s’imposer comme nouvelle norme dans les pratiques d’enquête ? Et dans ce cas, quelles sont les forces qui œuvrent en sa faveur ou, à l’inverse, les résistances qui peuvent s’exprimer et les arguments qui sont alors mobilisés ?

Ce numéro réunira des articles empiriques originaux de sciences sociales (sociologie, science politique, anthropologie, économie, géographie, histoire, etc.). La mise en regard de plusieurs disciplines y sera particulièrement encouragée afin d’enrichir la réflexion sur ces usages mais aussi sur les normes scientifiques qui les bornent, parfois à des degrés divers. Dans la même perspective, les études de cas internationaux seront aussi les bienvenues.

Consignes de soumission

Les articles, de 50 000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie compris), doivent être accompagnés de 5 mots-clés et d’un résumé de 150 mots (en français et en anglais).

Ils devront parvenir aux coordinatrices du numéro avant le 16 février 2024 aux adresses suivantes :

Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont consultables sur le site de la revue : http://tt.hypotheses.org/consignes-aux-contributeurs/mise-en-forme

terrains & travaux accueille par ailleurs des articles varia, hors dossier thématique (50 000 signes maximum), qui doivent être envoyés à :

 

[Photo : Towfiqu barbhuiya sur Unsplash]

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Appel à contributions Biens symboliques / Symbolic Goods « Cuisiner »

Appel à contributions
Biens symboliques / Symbolic Goods
« “Cuisiner”. Fabriquer, préparer et servir des biens symboliques alimentaires »

INFORMATIONS

La revue Biens symboliques / Symbolic Goods, bilingue et diffusée en accès ouvert sur OpenEdition Journals, lance un appel à contributions pour le dossier « “Cuisiner”. Fabriquer, préparer et servir des biens symboliques alimentaires », coordonné par Marc Perrenoud (Unil) et Adrien Pégourdie (Unilim). Les axes thématiques envisagés et les modalités de soumission des propositions sont précisés sur le site de la revue.

Date de clôture de l’appel : 1er septembre 2023.

Résumé

Venant de différentes disciplines des sciences sociales comme l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, la science politique, l’économie ou la géographie humaine, les propositions pourront s’intéresser 1/ à la dimension professionnelle de la cuisine (métiers, travail, emploi) ; 2/ à sa dimension privée (styles de vie, travail domestique) ; 3/ à sa dimension politique et culturelle (influence internationale, récit national, politique de l’alimentation, etc.). Les propositions (synopsis des articles), de 5 000 à 8 000 signes, doivent être transmises avant le 1er septembre 2023 à symbolicgoods[at]gmail.com.

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Appel à contributions – terrains & travaux : La manufacture de l’événement

Appel à contributions - "terrains & travaux" : La manufacture de l'événement

INFORMATIONS générales

La revue terrains & travaux, hébergée par la MSH Paris-Saclay, lance un appel à contributions pour son dossier thématique : « La manufacture de l’événement ».

Date de clôture de l’appel : 15 septembre 2023

Télécharger ici l’appel au format PDF 

 

Présentation de l'appel

Le secteur de l’événementiel a connu un développement sans précédent au cours des dernières décennies. Grands événements sportifs et culturels, festivals, salons internationaux, foires, congrès professionnels se sont multipliés et, avec eux, tout un écosystème d’acteurs soutenant cette dynamique. En France, avant la crise du Covid, le secteur de l’événementiel comprenait une dizaine de milliers d’entreprises. Selon un récent rapport de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, les métiers de l’événementiel emploieraient environ 120 000 personnes (exploitants de sites de réception, organisateurs, agences d’événementiel, prestataires, etc.) et le total des emplois directs et indirects s’élèverait à 455 000 emplois. Les retombées économiques du secteur représenteraient 37 milliards d’euros répartis à parts égales entre les revenus du secteur et les retombées pour le tourisme et le commerce local (Rapport d’information de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, 2022). Sur le « marché des destinations » pour les congrès et conventions, la France et Paris occupaient en 2019 une place de leader, malgré une intensification de la concurrence en provenance de pays d’Amérique du Sud, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud Est (Rapport de l’International Congress and Convention Association, 2019).

Néanmoins, le secteur reste à l’heure actuelle encore relativement peu structuré et peu documenté, tant à l’échelle nationale qu’internationale, à l’exception du champ de recherche en sciences de gestion sur les événements configurateurs de champ (field-configuring events). Les travaux sociologiques existants portent principalement sur l’étude des publics des événements culturels et sportifs, sur le rôle des événements comme places de marchés et sur leurs effets sur les carrières des participants. La production de ces événements et les acteurs impliqués dans celle-ci restent en revanche peu étudiés. Dans cette perspective, ce dossier portera sur le travail de production de l’événementiel. Qui sont les travailleurs de l’événementiel ? Dans quelle mesure les spécificités du secteur et ses temporalités modèlent-elles l’organisation du travail, le statut des travailleurs et les manières de travailler ? Comment rendre compte de la pérennité – ou non – d’événements ? Comment s’organise le marché de l’événementiel ? Comment ce marché s’articule-t-il à d’autres marchés et aux politiques publiques ?

Les propositions attendues pour ce dossier devront ainsi permettre de mieux comprendre la fabrique de l’événementiel aussi bien au niveau microsociologique des travailleurs qu’au niveau mésosociologique des organisations et à celui macrosociologique de la régulation politique et économique. Ce dossier visera notamment à saisir comment l’organisation du secteur contribue à routiniser l’événement. Pour ce faire, il réunira des articles empiriques originaux de sciences sociales (sociologie, science politique, sciences de gestion, etc.) s’appuyant sur des méthodes tant quantitatives que qualitatives. Les études de cas internationaux seront les bienvenues.

Les articles pourront s’inscrire dans l’un des trois axes suivants ou à leur croisement :

1. Les travailleurs de l’événementiel

Dans une perspective de sociologie du travail et de sociologie des professions, les contributions relevant de cet axe porteront sur les différents travailleurs prenant part à la production et au déroulement des événements : salariés, fondateurs et dirigeants des entreprises d’organisation d’événements, prestataires (standistes, traiteurs, décorateurs, éclairagistes, imprimeurs, fleuristes, etc.) et professionnels enrôlés de facto dans l’organisation d’événements (policiers, pompiers, secouristes, hôteliers, transporteurs, etc.). Il s’agira d’étudier le travail et les carrières des professionnels du secteur, en s’intéressant notamment à la formation aux métiers de l’événementiel, aux compétences que ces derniers nécessitent ainsi qu’aux modes de représentation collective (unions professionnelles, syndicats, etc.). Les contributions pourront également porter sur l’organisation du « monde social » de l’événementiel et les luttes juridictionnelles entre les différents groupes professionnels impliqués. Enfin, la structure globale du secteur, avec le recours massif au bénévolat et à la sous-traitance qui implique un important travail de coordination, pourra être l’objet d’investigations. Les contributions de cet axe pourront enfin se demander ce qu’Internet et le numérique font au travail événementiel, tant au niveau des procédés de production (construction et gestion de bases de données informatiques, numérisation des outils de gestion des flux et quantification des foules, coordination des professionnels impliqués, logique de projet, etc.) qu’au niveau d’enjeux propres à la numérisation des événements (hybridation d’événements en ligne et hors ligne, prolongation des événements sur les médias sociaux, report intégral au sein d’espaces en ligne, etc.).

2. Vie et mort des événements

Dans ce deuxième axe, les contributions porteront davantage sur l’économie propre du secteur de l’événementiel et sa pérennisation. De nombreux événements sont adossés à des marchés, que ces marchés soient sectoriels (festivals de cinéma et marché du film par exemple), plus globaux (grands événements sportifs ou culturels et marché des droits télévisés) ou locaux (événements et marchés des prestataires du territoire). Les événements constituent ainsi des points de rencontre, des vitrines et/ou des supports à ces marchés. Peu de travaux pourtant interrogent les conditions socioéconomiques de vie et de mort des événements au regard de l’évolution des différents marchés auxquels ils sont reliés, et en particulier le marché de l’événementiel lui-même (concurrence entre événements s’adressant à un même secteur, entre destinations, entre prestataires, entre organisateurs, émergence de nouveaux acteurs issus de l’économie numérique, etc.) Les contributions pourront analyser, dans une perspective longitudinale, selon quelles modalités l’articulation entre les événements et leur environnement marchand permet d’expliquer la pérennité ou l’arrêt des événements. À un niveau plus micro, il importera également d’étudier dans quelle mesure la manière dont sont organisés et configurés les événements (types d’activités proposées, identité de l’organisateur, profil des participants, etc.) affecte la destinée de ces derniers. Les contributions pourront également traiter des risques, des enjeux et des effets de la crise sanitaire sur les événements.

3. Les politiques de l’événementiel

L’événementiel comme secteur économique est devenu un objet de politiques publiques et de politiques économiques, tant à l’échelle internationale, nationale, régionale que municipale. Les contributions à cet axe exploreront comment les enjeux de concurrence, d’attractivité économique et de notoriété des territoires viennent informer l’organisation du secteur de l’événementiel. Les contributions pourront porter une attention particulière à l’articulation entre ces différentes échelles, notamment pour cerner les effets de la concurrence internationale dans la conception d’événements à l’échelle de régions ou de villes françaises. Elles pourront également questionner les effets de l’action publique sur l’organisation des événements et les logiques d’action collective des professionnels vis-à-vis des pouvoirs publics. Enfin, ces contributions pourront opter pour une approche internationale, comparative ou non, des politiques publiques concernant le secteur événementiel.

Consignes de soumission

Les articles, de 50 000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie compris), doivent être accompagnés de 5 mots-clés et d’un résumé de 150 mots (en français et en anglais). Ils devront parvenir aux coordinateur·rices du numéro avant le 15 septembre 2023 aux adresses suivantes :

Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont consultables sur le site de la revue : http://tt.hypotheses.org/consignes-aux-contributeurs/mise-en-forme

terrains & travaux accueille par ailleurs des articles hors dossier thématique (50 000 signes maximum), qui doivent être envoyés à :

Pour plus de détails, merci de consulter le site de la revue : http://tt.hypotheses.org

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