L'Humanité

Frédéric Lordon : « Le communisme se doit de faire valoir ses contenus propres, positifs »

Entretien. Dans son dernier ouvrage, Figures du communisme, le philosophe et économiste montre en quoi la sortie du capitalisme, de son mode de développement et de ses modes de production est devenue un enjeu vital. Le directeur au CNRS avance les contours d’une « société humaine » s’inscrivant dans un « communisme luxueux ».

Frédéric Lordon : « Le communisme se doit de faire valoir ses contenus propres, positifs » Lire la suite »

Surmenage, stress… « Nos modes de fatigue révèlent les manières d’exister socialement »

Alors que la pandémie accentue l’épuisement de nos sociétés, l’historien, spécialiste des mentalités et des sensibilités, propose une Histoire de la fatigue. Du Moyen Âge à nos jours. Il en montre les mutations comme autant de révélateurs des rapports des sociétés à la perception des corps et à leurs usages. L’infatigabilité devient-elle une nouvelle norme ? Quel lien entre fatigue et affirmation croissante de l’individu ? Entretien.

Surmenage, stress… « Nos modes de fatigue révèlent les manières d’exister socialement » Lire la suite »

Michel Offerlé : « Les grands patrons font de la politique sans s’engager électoralement »

Spécialiste des patronats, le sociologue poursuit son étude de ce corps social léger en nombre mais lourd en influence. Leur lien avec la politique et les politiques, c’est justement ce que le chercheur souligne dans son dernier livre, Ce qu’un patron peut faire. Où il est question d’attirance et de répulsion.

Michel Offerlé : « Les grands patrons font de la politique sans s’engager électoralement » Lire la suite »

La chronique philo de Cynthia Fleury. La part onirique des sociétés

C’est le retour de l’intime comme infra-politique. On le retrouve, d’une certaine manière, en France, avec la création de l’Institut Covid-19 Ad Memoriam, qui a notamment comme objet de recherche d’archiver les différents « récits » intimes et collectifs qui jalonnent cette « crise » que nous vivons. Tandis qu’à Londres le Museum of London vient de terminer sa collecte des rêves pour son projet « Guardians of Sleep », censé décrire l’inconscient collectif et individuel anglais et plus largement humain. L’archivage des rêves n’est nullement récent. Quantité d’expériences ont été faites par le passé, comme celle singulière et terrifiante de Charlotte Beradt, consacrée au rêve en régime totalitaire, sous le IIIe Reich. Dans l’Interprétation sociologique des rêves (la Découverte, 2021), Bernard Lahire poursuit son magnifique travail sur la part « onirique » des âmes et des sociétés, et commente ainsi Beradt : « Les rêves qu’elle a soigneusement recueillis auprès d’Allemands à partir de 1933 montrent comment la scène onirique est le théâtre de tous les sentiments de dépossession, de dépersonnalisation, d’humiliation, de consentement, de soumission ou de culpabilité, mais aussi de fascination ou d’attraction ressentis à l’égard des bourreaux, liés à la mise en place progressive d’un régime totalitaire. » Faire du rêve un objet des sciences sociales, ou comment expliquer les « mécanismes psychiques fondamentaux propres aux êtres historiques et langagiers que sont les êtres humains socialisés », tel est l’enjeu du sociologue qui traverse l’espace symbolique comme d’autres les terrains vagues. Lahire pose, à l’inverse de Freud, l’objet-rêve comme étant précisément délivré des formes multiples de censure, donnant à entendre ce qui travaille obscurément les individus. Bien que ne partageant qu’à moitié la thèse – la censure se déplaçant dans le rêve, et non ne disparaissant, et s’entremêlant aux débordements de l’angoisse et du désir, sans parler du fait qu’il y a le voile de la conscience et du langage au réveil –, il n’empêche que le travail ici proposé permet deux prouesses : d’une part, extraire le rêve d’une réalité strictement intime alors qu’elle est « intrinsèquement sociale », culturelle et généalogique ; d’autre part, extraire les sciences sociales d’un réflexe rationaliste trop commun qui assimile trop souvent les individus à leur supposée conscience réflexive. S’il existe une philosophie de la « liberté », c’est précisément celle qui a conscience des processus d’aliénation permanents qui sont les siens, des déterminismes psychiques et sociaux. « L’étude du rêve, écrit Lahire, est tout sauf un moyen de sortir du monde social, de ses régularités, de ses contraintes et de ses pesanteurs. Elle participe de la découverte des logiques par lesquelles les individus affrontent en permanence, en les exprimant, les problèmes qui sont les leurs, mais qui n’en viennent pas moins de l’extérieur. » Rien n’empêche néanmoins d’user des « opérations oniriques » (symbolisation, métaphorisation, condensation, substitution, etc.) pour arpenter les tentatives de libération.

La chronique philo de Cynthia Fleury. La part onirique des sociétés Lire la suite »

Michel Husson : la productivité ralentie par le Covid, ou le capitalisme embourbé

Pour rétablir les profits, le patronat a deux méthodes : licencier ou allonger le temps de travail. Reste que la crise sanitaire rend incertaine la disponibilité de main-d’œuvre. D’où la tentation de la robotisation… qui ne résoudra pas la question des débouchés ! Et tout s’enraye. L’analyse de l’économiste Michel Husson.

Michel Husson : la productivité ralentie par le Covid, ou le capitalisme embourbé Lire la suite »

La chronique philo de Cynthia Fleury. Crise personnelle et nationale

Le début d’année s’ouvrait sur la radio publique France Culture par une série de reportages de Karine Le Loët, intitulée l’Effondrement et moi, consacrée aux traversées personnelles et publiques de cet épisode du Covid-19, et plus généralement à ces expériences d’effondrement, systémique, écologique et/ou psychique. Qu’est-ce qui se transforme chez les sujets et dans les sociétés, comment s’adapter aux bouleversements globaux ? Jared Diamond, qui a grandement contribué à la popularité du terme « effondrement », choisit un autre terme pour son nouvel opus d’avant la crise planétaire (2019) et signe, dans Bouleversement. Les nations face aux crises et au changement (Gallimard, 2020), une analyse afin de déterminer une douzaine de facteurs, issus de la résilience des crises personnelles et partiellement ou non transposés aux crises nationales. Selon l’auteur, il faut reconnaître qu’on traverse une crise, sortir donc du déni, obtenir de l’aide matérielle et émotionnelle de la part d’autres individus ou d’un groupe, s’inspirer des modèles que représentent d’autres personnes pour résoudre des problèmes, faire preuve de « la force du moi », procéder à une autoévaluation honnête, avoir l’expérience des crises personnelles antérieures, faire preuve de patience et de flexibilité, posséder des valeurs fondamentales individuelles et si possible bénéficier d’une situation où les contraintes personnelles sont moindres. Dans sa traduction politique, la douzaine de facteurs prend l’allure suivante : partir d’un consensus national sur le fait que son pays traverse une crise, reconnaître qu’il est de la responsabilité de la nation d’agir, construire une clôture afin de circonscrire les problèmes nationaux à résoudre, obtenir de l’aide matérielle et financière de la part d’autres nations, s’inspirer des modèles que représentent d’autres pays pour résoudre des problèmes, pratiquer l’autoévaluation honnête, avoir une expérience historique en matière de crises nationales antérieures, savoir faire face à l’échec national et faire preuve de flexibilité nationale en fonction des situations, posséder des valeurs nationales fondamentales, et enfin bénéficier d’absence de contraintes fortes géopolitiques. L’autre grand mot-clé de Diamond est celui de « changement sélectif », car, dans une crise, tout n’a pas à être modifié, bien au contraire : le discernement est donc essentiel pour traverser et dépasser la crise. Parmi les 216 nations existantes, Diamond en étudie 7 parce qu’elles sont liées à son histoire personnelle et qu’elles ont une valeur d’enseignement spécifique : la Finlande, le Japon, le Chili, l’Indonésie, l’Allemagne, l’Australie et les États-Unis. Et Diamond de conclure, dans un après-propos : « Il nous faut dès maintenant réfléchir au prochain virus. »

La chronique philo de Cynthia Fleury. Crise personnelle et nationale Lire la suite »

Retour en haut