Le deuxième axe, « Environnement et santé », a pour objectif de porter les interactions entre les recherches sur l’environnement, le territoire et la santé. Scientifiques et politiques sont notamment préoccupés par les relations entre santé humaine et santé environnementale. La prédation de l’environnement accélérée par le progrès scientifique a permis par le passé la subsistance des humains. Elle met aujourd’hui en péril leur subsistance future. Les urgences environnementales et sanitaires invitent les scientifiques à produire des solutions à l’heure où le mot d’ordre mitigation semble ne plus être d’actualité et celui d’adaptation s’impose. La MSH Paris-Saclay mobilise les forces SHS du périmètre sur ces questions épineuses.
L’Université Paris-Saclay regroupe un potentiel de recherche sur les
questions environnementales unique en France, qu’il s’agisse des écosystèmes,
de l’énergie, du climat ou de la biosphère. Par ailleurs, avec la concentration
d’entreprises, d’hôpitaux (CHU) et de laboratoires, le site de la nouvelle université, combiné aux enjeux d’association
des populations de cette grande opération d’aménagement de l’espace, ouvre des
possibilités immenses en matière de recherche sur les dimensions territoriales,
ainsi que sur les problématiques de santé humaine en général.
Au cœur des préoccupations citoyennes et politiques se
situe la question de la transition
écologique, dont la transition énergétique représente probablement l’enjeu
principal. Celui-ci est de taille, tant en ce qui concerne la création d’emplois
qu’en ce qui concerne la gestion des risques (approvisionnement en
particulier), l’environnement et, au premier chef, l’engagement vers une
réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre de la
préservation du climat. La question de la transition énergétique émerge
naturellement comme la solution à deux problèmes indissociables : le
passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables, qui ralentit l’épuisement
des ressources non renouvelables, et l’accumulation de gaz à effet de serre. Des
forces qui portent des changements économiques et politiques sont confrontées à
des opinions et des décideurs climatosceptiques sur des questions telles que la
pauvreté énergétique et la place des énergies fossiles, du nucléaire et des
agrocarburants de première génération.
Les recherches sur l’énergie croisent de nombreuses
disciplines et la plupart des départements de recherche. Elles peuvent donner
lieu à de nouvelles actions transversales, en coopération avec les entreprises,
sous l’impulsion d’une initiative sur l’énergie lancée dans cet esprit avec le
soutien de l’Université Paris-Saclay. Les SHS œuvrent à la compréhension du
poids des représentations et des jeux de forces qui font obstacle ou
contribuent à la mise en place de solutions économiques et politiques adaptées.
L’ambition est, à partir de recherches académiques, d’intensifier fortement le
dialogue entre les compétences technologiques et les SHS, en vue de saisir de
façon nouvelle et collective les enjeux de la transition énergétique.
La MSH Paris-Saclay se mobilise afin de trouver les
moyens et constituer en France la première communauté structurée à même de
saisir les enjeux énergétiques du xxie siècle
selon des axes spatiaux (territoriaux, nationaux, planétaires) et temporels
(moyen et long terme) en mobilisant des compétences SHS diversifiées et
complémentaires. Il s’agit aussi d’irriguer au-delà de la communauté SHS. L’interdisciplinarité
se situe souvent à l’interface avec les recherches menées dans d’autres
départements (santé, écologie, climatologie, transports). Par ailleurs, les
travaux menés seront diffusés et adressés aux autres centres de recherche ainsi
qu’aux acteurs concernés du public et du privé (État, régulateurs, autorités
indépendantes, collectivités, entreprises), pour que la France puisse œuvrer à
une transition devenue un enjeu géopolitique fort à la suite de l’accord de
Paris.
L’accent sera mis sur les innovations dans la transition
énergétique. Il s’agit d’innovations technologiques, mais aussi sociales
(régulation économique, normes juridiques, gouvernance territoriale),
lesquelles sont appelées à jouer un rôle majeur dans les systèmes énergétiques
de demain. Des projets et des structures existants sont
invités à travailler avec la MSH Paris-Saclay. On pense notamment au projet IRS
MOMENTOM (Molecules and Materials for the
Energy of Tomorrow), au Club de l’Orme et aux ITE (Instituts pour la transition
énergétique) IPVF (Institut photovoltaïque d’Île-de-France) et VEDECOM (Institut IEED
du véhicule décarboné et communicant et de sa mobilité́).
La transition énergétique
doit servir la cause environnementale. La préservation du capital naturel que
représentent des écosystèmes, des sols et des océans en bon état est un enjeu
majeur pour les grands équilibres biophysiques, pour le bien-être des humains,
mais aussi pour les services productifs et les activités socioéconomiques
liées. Les différentes unités des SHS impliquées sur ces thématiques
développent des liens étroits avec les unités de l’Université Paris-Saclay en
sciences de la vie (agronomie, biologie, écologie), de la santé, de la planète
(hydrologie, climatologie), en statistique et mathématiques. L’ambition des
recherches sur le capital naturel est de mener des travaux visant
principalement à éclairer la décision publique à différentes échelles, en
mobilisant contributions théoriques et méthodes empiriques (modélisations
globales, spatiales et bioéconomiques, microéconométrie, économie
expérimentale).
Les recherches porteront
à la fois sur des analyses empiriques et des outils de simulation permettant la
réalisation de scénarios pour aider aux décisions politiques. Outre les
questions énergétiques traitées ci-dessus, les thèmes concerneront :
(1) l’efficacité de l’intervention publique dans un contexte international
(effet des politiques environnementales, agricoles, climatiques compte tenu des
rétroactions globales) ; (2) la transition
vers des trajectoires de développement faiblement émettrices de carbone à
travers les négociations internationales autour de biens publics globaux
(climat, biodiversité, ressources halieutiques…) ; (3) l’efficacité environnementale des systèmes de production
(urbanisation, mobilité, efficacité énergétique) ; (4) les aspects économiques liés aux écosystèmes (services
écosystémiques, paiements pour services environnementaux, analyses économiques
de l’agroécologie).
Dans le cadre des
financements IDEX sur les thématiques environnementales, la MSH Paris-Saclay participe
à l’IRS ACE-ICSEN (Adaptation aux changements
environnementaux : une approche multi-échelle et transdisciplinaire).
Des interactions fructueuses se déroulent également avec d’autres disciplines
(climatologie, écologie) associées dans le cadre l’Institut Convergence CLAND (Changement
climatique et usage des terres) et du LABEX BASC (Biodiversité, agroécosystèmes,
société, climat).
La question énergétique et, plus largement,
environnementale est indissociable de celle des territoires, qui s’est imposée depuis quelques années à l’agenda
des décideurs publics comme dans les stratégies des entreprises et des
différentes organisations, avec les problématiques d’aménagement du territoire,
de réforme des collectivités, de mise en réseau des acteurs de la production et
de la gouvernance. Il s’agit aussi d’articuler différentes échelles
territoriales, du local à l’économie-monde.
Préserver l’environnement signifie en particulier
conserver les écosystèmes terrestres et marins, les terres et les sols. Cette
conservation prend également une ampleur renouvelée au niveau de l’alimentation,
avec la sensibilité croissante des consommateurs aux enjeux de durabilité qui
incite les acteurs de la filière, aussi bien en amont (agriculteurs et
industriels) qu’en aval (distributeurs), à adapter leurs stratégies d’offre en
termes de systèmes de production, de caractéristiques des produits (qualité et
variété) et de prix. Dans ce contexte, les SHS permettent d’analyser comment
les rapports de force entre acteurs verticalement reliés, mais aussi comment
leurs stratégies modifient l’offre et la demande de produits alimentaires, les
prix sur les marchés agricoles et les marchés finaux, les usages des sols et
les pratiques agricoles. Les SHS contribuent ainsi à élaborer et à évaluer des
politiques publiques et des stratégies industrielles, à différentes échelles
territoriales, favorisant la transition vers de nouveaux systèmes alimentaires.
Le plateau de Saclay est porteur d’une ambition qui fait
écho à ces questionnements et porte les espoirs d’un regroupement de
compétences scientifiques de grande importance, en termes de cluster ou d’écosystème industriel et de
recherche. Paris-Saclay interroge l’impact des activités humaines et des
processus d’urbanisation (transports, nouvelles mobilités…) sur le vivant, mais
aussi l’impact de la relation et de l’implication des populations locales dans
leurs évolutions futures.
Les recherches menées au
sein de la MSH Paris-Saclay vont porter sur différentes dimensions de la
question territoriale, en commençant par des interrogations sur les notions
mêmes de territoire et de mobilité. La position du plateau de Saclay est
particulière. Celui-ci est en effet situé dans une région densément peuplée,
mais avec un usage agricole encore intense et des moyens de transports publics
encore en développement, en particulier vers la zone sud.
Sur les territoires
apparaissent ainsi au moins trois domaines de recherche : (1) l’urbain, le
périurbain et la nature, et la recomposition de leurs frontières géographiques
et sociales en relation avec la taille des agglomérations franciliennes et l’intense
étalement urbain ; (2) l’aménagement et la gestion de ces espaces,
qui renvoient aux approches de politiques publiques et de gouvernance des
territoires ; (3) les
problématiques entrepreneuriales, de gestion des entreprises ou de mise en
œuvre des processus d’innovation de création et de valorisation des
connaissances territoriales.
La question alimentaire est étroitement liée à celle de l’usage
des sols. Les fonctionnalités demandées aujourd’hui aux produits alimentaires
sont multiples en termes de capacités nutritives, de qualités organoleptiques
ou d’impact sanitaire et environnemental. Le plateau de Saclay, bénéficiant de
moyens humains (chercheurs et enseignants) et expérimentaux de très haut
niveau, ainsi que de la présence d’acteurs privés de l’agroalimentaire (entre
autres Danone et Carrefour), offre un environnement innovant et unique en
France pour relever les enjeux d’une transition vers des systèmes alimentaires
plus sains et plus durables. Les unités des SHS participent activement à cet
effort en combinant et en croisant les apports de l’économie et des sciences de
gestion avec la science politique, la sociologie, le droit et, également, les
sciences des aliments, le génie des procédés agroalimentaires, la
microbiologie, la nutrition, la climatologie, l’agroécologie.
Sur l’alimentation,
quatre thèmes de recherche sont d’ores et déjà investis par les équipes SHS
liées à la MSH : (1) l’analyse des comportements
alimentaires, de leurs déterminants et leurs conséquences en termes de
consommation, d’effets sur la santé, d’inégalités sociales et d’impact
environnemental ; (2) les analyses
des stratégies agricoles, industrielles et de distribution qui définissent les
caractéristiques des aliments offerts aux consommateurs (prix, variété,
qualité, sécurité) et déterminent la localisation des activités et des
commerces, conditionnant ainsi le développement des territoires ; (3) l’analyse de la gouvernance de l’approvisionnement,
notamment l’organisation de la diversité des filières (traditionnelles et
alternatives), de l’usage des sols agricoles, de la restauration collective
(publique ou non), le partage de valeurs entre acteurs ainsi que les
réglementations qui encadrent les échanges ;
(4) l’évaluation des politiques publiques sur l’alimentation, visant la
maîtrise des prix de détail, la régulation de la qualité des produits, la
réduction des pertes et gaspillages, les impacts sur la santé, l’environnement,
ou la sécurité des approvisionnements dans un contexte de concurrences entre
usages alimentaire ou énergétique des produits agricoles et préservation des
habitats et des services écosystémiques liés.
L’Institut Convergence CLAND et le LABEX BASC sont
concernés par la thématique des territoires, tandis que le LIDEX ALIAS (Aliment,
alimentation, santé), l’IRS NUTRIPERSO et le LABEX BASC sont plus directement
impliqués sur les questions alimentaires.
L’environnement (agents chimiques et infectieux) et l’alimentation
affectent également notre santé. On ne peut pas dissocier la santé humaine de
la santé environnementale. La pollution contribue au développement des maladies
dégénératives, tandis que l’antibiorésistance,
la tropicalisation des zones tempérées, la mondialisation des échanges
facilitent l’éclosion de nouvelles épidémies.
Au sein de l’Université Paris-Saclay, deux projets IRS et
un DIM se penchent sur l’articulation environnement-santé et travaillent en
étroite coordination avec la MSH. D’une part, l’IRS ACE-ICSEN considère les
processus d’adaptation des organismes vivants, dont l’homme, aux changements
environnementaux avec un focus sur trois aspects saillants : qualité de l’air
et santé, réchauffement climatique et santé, perte de biodiversité. L’IRS
NUTRIPERSO considère la relation entre comportements alimentaires et maladies
chroniques (obésité, diabète de type 2, cancers, maladies cardiovasculaires)
et préconise le dépassement de politiques de prévention traditionnelles peu
efficaces à travers le ciblage des sous-populations à risque identifiées sur la
base de variables sociodémographiques et/ou de marqueurs biologiques. Enfin, le
DIM 1 Health (Une seule santé) considère les dangers infectiologiques liés
au changement climatique, à la perte de biodiversité, à la croissance
démographique, à la mondialisation des échanges. Il existe ainsi de nombreux
sujets féconds qui croisent les recherches des SHS sur les questions
environnementales et les recherches consacrées aux systèmes de santé.
Dans le domaine de la santé, de nouvelles révolutions
technologiques sont en cours. Elles peuvent nous aider à surmonter les crises
sanitaires qui se profilent à l’horizon et contribuer plus largement à répondre
aux défis futurs tels que le vieillissement et l’allongement de l’espérance de
vie (en bonne santé). Parmi ces nouvelles
technologies de la santé l’e-santé et les biotechnologies font figure de
proue.
La Commission européenne définit l’e-santé comme l’utilisation
des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour répondre
aux besoins des patients, des professionnels de la santé et des décideurs. Les
services numériques sont disparates et non stabilisés : au niveau des
patients, les systèmes d’information pour la prévention et les soins (information
online, wikis et MOOCs, santé
connectée) ; au niveau des médecins, les systèmes d’information clinique
(imagerie, diagnostique et chirurgie assistées) et la télémédecine
(téléconsultation, monitorage et soins à distance) ; au niveau des chercheurs,
des managers et des décideurs, les systèmes d’information interopérables et
intégrés au niveau local et national (fichiers sanitaires, bases comptables, big data).
La révolution numérique participe ainsi à la
réorganisation des systèmes de santé. Les sciences de gestion se penchent en
priorité sur les aspects organisationnels et managériaux, les économistes
évaluent les effets des politiques publiques, les juristes traduisent les
analyses positives dans un cadrage normatif des responsabilités. Certains
aspects de la révolution numérique requièrent au préalable une réflexion
éthique. On pense notamment à la virtualisation des relations humaines, à la
transmutation du patient en client, à l’utilisation des données médicales
personnelles et agrégées. Autant d’éclairages possibles, par les SHS, de ces
phénomènes qui nous concernent tous.
L’autre révolution en cours est celle des biotechnologies
et des biothérapies avancées. Le séquençage du génome ouvre des perspectives
dans la recherche médicale et le traitement de maladies comme les cancers ou
les anomalies génétiques. Il est question de médecine prédictive et
personnalisée. Nombre d’expériences procèdent de la phase expérimentale à l’application
clinique sur des patients humains. Ce changement paradigmatique est comparable
aux grandes avancées du passé (vaccins et antibiotiques, anesthésie, imagerie…).
Cela pose des questions majeures sur le plan éthique et juridique, liées à la
manipulation de l’humain, des questions économiques liées à la brevetabilité de
la vie, et des questions sociales liées à la participation des patients à l’expérimentation,
surtout dans le domaine des maladies rares.
De nombreuses questions éthiques et sociétales sont apparues
dans le champ de la génomique, discipline dont l’essor a été facilité par l’amplification
de l’utilisation des techniques nouvelles de séquençage du génome et des
analyses bio-informatiques. Parmi ces questions priment la dimension juridique
des protocoles expérimentaux, leur acceptation ou non par la société, les
formes de consentement, la manière d’évaluer le ratio coût/bénéfice des
traitements ou du financement pour développer de nouveaux traitements, la
question de la solidarité de la société face aux maladies rares. Il s’agit d’approfondir
les notions de responsabilité, de confiance, de contrôle sociétal, de choix de
modes gouvernance, ou encore de décisions publiques d’autorisation et d’investissement
dans le domaine de la santé.
L’IRS BIOTHERALLIANCE (Genome-Based Therapies and Biotherapies at UPSaclay) porte sur les
maladies génétiques rares, leurs modèles d’étude et le développement de
nouvelles thérapies cellulaires et géniques dans la perspective d’une
valorisation médicale et économique.
Les systèmes de
santé sont appelés à s’adapter aux nouvelles crises sanitaires en se
réorganisant, en profitant des avancées des nouvelles technologiques (notamment
numériques). Le management des systèmes de santé et les modèles économiques
sous-jacents sont destinés à faciliter les transitions sanitaires à venir.
Les révolutions numériques et biotechnologiques,
conjuguées à la crise des finances publiques et au vieillissement de la
population, obligent les décideurs, notamment le gouvernement, à restructurer le
secteur de la santé vers une offre de nouveaux services, tout en maîtrisant les
coûts et en tentant de réduire les inégalités sociales. Il faudra analyser ces
recommandations à l’épreuve des contraintes budgétaires, et des révolutions
technologiques et culturelles évoquées ci-dessus. Financer les reformes suppose
un nouveau modèle économique, efficace et souple, capable d’intégrer des
changements à venir comme l’e-santé ou la médecine personnalisée, d’éviter le
glissement sémantique du malade de patient à client ou le risque potentiel de
privatisation du système sanitaire suite à la réduction des budgets publics.
Par ailleurs, à un niveau méso, voire micro, les
professionnels de la santé et les centres de soin ne sont pas des agents
économiques comme les autres. Le management des professions médicales est
interpellé face aux tensions de rôles ressenties par certains praticiens dans l’exercice
de leur art : comment concilier, au niveau individuel, l’obligation de
moyens pour guérir ses malades avec l’injonction de réduction des dépenses et
des actes ? Les recherches en éthique peuvent largement contribuer à
nourrir ces questionnements auxquels sont confrontés les professionnels, les
décideurs et les chercheurs en santé, ainsi que les patients, leurs familles et
les associations. Se limiter aux aspects économiques serait donc réducteur,
voire contreproductif. Le pilotage des systèmes de santé interroge aussi bien
les gestionnaires que les juristes, ainsi que les spécialistes de l’éthique en
amont. Droit et management des professions de santé, juridisation des rapports
patient-praticien, approches éthiques et sociétales des pathologies doivent
être reconsidérés dans une logique interdisciplinaire.
L’approche éthique justifie elle aussi une démarche
innovante. Alors que les pratiques dans le champ de la santé sont trop souvent
assujetties au principe de précaution, aux protocoles et procédures dont on
constate les limites, en matière d’éthique les préconisations ou prescriptions
s’avèrent bien discutables. Les instances dévolues à la régulation de l’éthique
sous forme de comités d’experts perdent en légitimité, et très souvent le
recours au législateur pour édicter des normes en bioéthique ou en éthique du
soin intervient par défaut, de manière peu satisfaisante, là où l’effort de
discernement devrait s’imposer. On constate une institutionnalisation ou une
instrumentalisation de l’éthique, alors qu’il conviendrait de responsabiliser
les acteurs du système de santé, ceux de la Recherche en favorisant la
concertation dans un contexte de transparence, d’intégrité, d’information
partagée et de souci du bien commun.
L’accompagnement éthique s’avère dès lors favorable à une
démarche d’appropriation d’un questionnement souvent complexe et évolutif,
réhabilitant par la discussion un rapport de confiance et favorisant, dans le
cadre de délibérations démocratiques, l’arbitrage de choix éclairés.
L’anticipation dans le champ
de l’éthique relève de la confrontation de compétences pluridisciplinaires
réunies autour de valeurs partagées pour développer un dialogue continu avec
les différents acteurs professionnels et associatifs représentatifs du champ de
la santé. Il convient notamment d’identifier les lignes directrices de l’innovation
biomédicales qui transforment progressivement les pratiques, la relation à la
santé et aux soins. Resituer la personne au cœur des préoccupations, son
intérêt direct, ses représentations et ses préférences, c’est reconnaître des
droits parfois antagonistes avec les enjeux estimés supérieurs des « avancées
scientifiques ». C’est également considérer que les évolutions actuelles
accentuent des vulnérabilités et parfois des peurs et des défiances qui
altèrent la relation de confiance entre la personne et ceux qui la soignent. À
se demander quel bien vise aujourd’hui le « progrès biomédical »
qualitativement d’une autre nature que l’objectif de performance ou tout
simplement la logique « d’innover pour innover ».