Ce colloque international est organisé par l’Université de Versailles St-Quentin-en-Yvelines, en partenariat avec le Centre d’Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines (CHCSC), et soutenu par la MSH Paris-Saclay.
Au cours du XIXe siècle, l’écrivain embrasse généralement un même courant esthétique du début à la fin de sa carrière : ainsi se succèdent les écoles et les tendances (romantisme, réalisme, naturalisme, Parnasse, écriture artiste, symbolisme…). À quelques exceptions près, situées plutôt dans la seconde moitié, voire dans le dernier quart du siècle, avec Flaubert, ou Huysmans (dont les premiers romans sont d’inspiration naturaliste). Cette vocation à la stabilité est manifestée de manière éclatante par des entreprises romanesques de grande ampleur telles que La Comédie humaine de Balzac, et Les Rougon-Macquart de Zola, même si l’on observe chez ce dernier une inflexion nouvelle dans L’Assommoir, où le langage populaire s’immisce dans la narration.
Le positionnement des écrivains par rapport à une norme littéraire, à une référence esthétique se modifie sensiblement au siècle suivant. Au sein d’une même option générique, le style tend à se renouveler chez Gide, Colette, Camus ou Pinget ; Aragon et Gracq se déprennent du surréalisme, le premier pour une forme renouvelée de réalisme ; Giono passe du roman poétique et lyrique à la « chronique » et au roman romanesque. Plus près de nous, Le Clézio tourne le dos aux expérimentations avant-gardistes pour adopter une facture narrative plus lisible, la phrase de Duras se signale par sa « dilution » ; les romans d’Échenoz évoluent depuis le foisonnement parodique du roman d’action jusqu’à la sobriété des biofictions et du roman historique 14 ; les autofictions familiales de Rouaud cèdent ensuite la place à la fiction pure, etc.
L’idée d’évolution de l’écriture remet en question l’unité du style, voire la notion même de style d’auteur : « Par ‘style’, on entend la forme constante […] dans l’art d’un individu ou d’un groupe d’individus » (Meyer Schapiro, « La notion de style » [1953], dans Style, artiste et société, trad. D. Arasse, Gallimard, « Tel », 1982, souligné par nous). La question est également valable pour le domaine des arts visuels. Ainsi Picasso écrivait-il : « Le style, c’est souvent quelque chose qui enferme le peintre dans une même vision, une même technique, une même formule pendant des années et des années, pendant toute une vie parfois. […] Je ne suis jamais en place et c’est pourquoi je n’ai pas de style » (Propos sur l’art, 1998).
Ces changements d’inflexion sont probablement imputables à la recherche toute moderne de l’originalité produite par le primat de la création sur la doctrine de l’imitation, et ont sans doute à voir également avec la quête identitaire qui passe par l’altérité. Ils semblent par ailleurs trahir une nouvelle appréhension du temps caractéristique du monde contemporain. L’accélération du progrès technologique et scientifique, ainsi que les évolutions socioculturelles que connaît la société française à partir de la Première Guerre mondiale, comme après la Seconde Guerre, semblent avoir imprimé leur marque, leur mouvement, à la création littéraire. Le changement perpétuel qui détermine désormais la société se répercute sur la trajectoire des écritures. Si les évolutions des courants littéraires aux XXe et XXIe siècles ont été bien étudiées, le renouvellement de la production singulière d’un auteur au sein d’un même genre demande à être interrogé de manière précise.
Les communications tenteront de répondre à un certain nombre de questions qui émergent à partir de cette problématique, et qui intéressent différentes disciplines, aussi bien la poétique et la stylistique que l’histoire littéraire et la sociologie de la littérature, voire la psychologie :
1/ Quelle est la genèse de ces déplacements ? Dans quel(s) sens l’évolution se fait-elle ? Est-ce toujours de l’imitation ou de la déconstruction des modèles littéraires existants vers l’élaboration d’un modèle littéraire propre ? Le renouvellement soulève le problème de la continuité/discontinuité : est-il progressif ou radical, linéaire ou fluctuant, inflexion ou mutation ? Dans le prolongement de la réflexion sur la notion de simplicité (colloque La Simplicité : manifestations et enjeux culturels du simple en art, actes à paraître aux éditions Champion en 2016), on pourra se demander si l’écrivain œuvre dans le sens d’une simplification, ou au contraire d’une complexification.
2/ Quelles sont les composantes formelles (linguistiques, rhétoriques) concernées ? L’évolution stylistique est-elle liée à des changements d’un autre ordre (structurel, thématique…) ? Certains genres sont-ils davantage touchés que d’autres, comme le roman ?
3/ Quelles sont les motivations, explicites ou implicites ? L’évolution de l’écriture est-elle délibérée, justifiée, théorisée par l’écrivain ? Va-t-elle de pair avec une modification de sa posture littéraire ? Coïncide-t-elle toujours avec un changement de cap esthétique (Cocteau, Jouve) ? L’emploi d’un pseudonyme peut-il manifester une volonté de maintenir des styles parallèles (Gary, Volodine, Quignard) ? Des changements éditoriaux accompagnent-ils ces évolutions ? Quel est l’impact de celles-ci sur la réception des textes et sur l’image de l’auteur ?
Programme
Pour accéder au programme détaillé : Programme Changer de style msh chcsc
Informations pratiques
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Serge Linarès : serge.linares@uvsq.fr