Appel à contributions

Appel à contributions – L’Homme & la Société

Appel à contributions - L'Homme & la Société

Dénaturaliser l’écologie

Appel à contributions pour dossier thématique
Date de clôture : 15 octobre 2021

Résumé

L’environnement façonné par les humains engendre aujourd’hui de multiples crises. Face à leur ampleur et à leur complexité, il est manifeste que le traitement actuel de l’ensemble des questions écologiques n’est pas à la hauteur des problèmes posés. En renvoyant dos-à-dos le catastrophisme de l’effondrement imminent et les dénis de réalité qui s’appuient sur la foi dans la technique ou le progrès dans la résolution des problèmes écologiques, la revue souhaite promouvoir, hors du bio-centrisme, les analyses portant sur les principaux obstacles conceptuels, politiques, économiques, géographiques, juridiques, sociaux et culturels à la transition écologique. Le traitement de thèmes tels que le lobbying des pollueurs, les reconversions industrielles et la relocalisation de l’économie, les droits des générations futures, les mobilisations et les expérimentations collectives, les contradictions en matière de consommation, etc., sera valorisé.

Argumentaire

L’environnement n’est pas la nature mais un ensemble d’institutions. C’est l’environnement façonné par les humains, et surtout par leurs créations historiquement sédimentées, qui engendre aujourd’hui de multiples crises. Le champ concerné va des zones encore semi-sauvages mais déjà dégradées aux milieux urbains standardisés, des montagnes en dégel aux littoraux et aux mers polluées dont le niveau monte, de l’air – de plus en plus chaud et chargé de métaux ou d’oxydes – à la terre façonnée et appauvrie par l’agriculture industrielle. Il concerne aussi les risques ou désastres avérés d’ordre techno-scientifique ou sanitaire. Les pollutions et déforestations conduisant au déclin de la biodiversité, ainsi que le réchauffement climatique avec son cortège de sécheresses et d’inondations ou l’épuisement des ressources non renouvelables ne sont que des conséquences de l’activité économique et des choix politiques antérieurs. Les manières dont les actions socio-humaines ont modelé les milieux nous intéressent donc ici au premier chef. En reconnaissant cet « environnement » comme la résultante de logiques économiques et de politiques sociales, une analyse lucide de ce qui le détruit peut être tentée et d’éventuels leviers et pistes de réformes peuvent être, indirectement, suggérés. Ce n’est qu’en décrivant les tendances lourdes (même si agissent aussi des effets de conjoncture) ayant conduit à la situation actuelle que certaines d’entre-elles pourront être, sinon inversées, du moins infléchies mettant en œuvre la formule à la fois réaliste et optimiste de Foucault selon laquelle « tout ce qui a été historiquement institué est politiquement réformable ».

Cependant, l’inertie des aménagements (notamment urbains) du passé, la multiplicité et l’interconnexion des problèmes rendent difficile les réformes. Surgissent à la fois des obstacles politiques (quelles réformes sur le long terme engager dans le cadre du calendrier électoral raccourci?), économiques (quelles prévisions et reconversions pourraient permettre des ne pas détruire de nombreux emplois industriels?), démographiques (la croissance de la population peut-elle continuer indéfiniment dans un monde fini et les crises économiques permettront-elles les transitions démographiques qui pourraient stabiliser la population mondiale?), sociaux (les inégalités écologiques et sociales ne vont-elles pas croître alors que les classes populaires et les populations du Sud subissent déjà le plus les dégradations écologiques?), culturels (l’actuelle définition du confort, surtout dans les classes moyennes, peut-elle être mise en cause par de nouveaux genres de vie et de consommation?)… Enfin, la prise de conscience citoyenne et l’action « par le bas » des personnes via leurs choix de consommation ou de « mode de vie » peut-elle suffire à affronter les grands défis écologiques en tenant compte de ces différentes dimensions ?

Face à leur ampleur et à leur complexité, il est manifeste que le traitement actuel de l’ensemble des questions écologiques n’est pas à la hauteur des problèmes posés. Il est tendu entre, d’un côté, des politiques de protection de diverses espèces ou de conservation d’espaces particuliers – qui conduiront vers un « apartheid écologique » – et, de l’autre, des mécanismes économiques de nature libérale jouant sur des marchés (Principe Pollueur Payeur se dégradant en « Permis de Polluer Plus », bourses du carbone et de la biodiversité ne diminuant pas les émissions ou dégradations, incitations fiscales aux véhicules électriques qui déplaceront les problèmes, etc.). D’un autre côté, la fiscalité écologique est loin d’être générale : elle ne s’applique que très peu aux plus gros pollueurs et elle ne tient pas compte des contraintes de certaines populations captives ou dépendantes de la voiture. Quant aux normes environnementales (souvent suscitées ou mises en forme par les grands lobbies industriels), elles apparaissent à la fois trop timides pour être efficaces et en prolifération continuelle à un point tel qu’elles étouffent ou défavorisent l’activité des petits producteurs et qu’elles sont régulièrement ignorées ou transgressées (y compris par l’Etat, notamment en matière d’aménagement du territoire).

Le débat réaliste est actuellement contaminé par les climato-sceptiques aux arguments tenant fréquemment du syllogisme, et par les craintes millénaristes ou les prophéties plus ou moins hasardeuses et illuminées sur la fin du monde. La seule certitude, en matière d’effondrement, est la non viabilité socio-écologique du mode de production et de consommation actuellement dominant dans les pays les plus riches qui ne pourra, à terme, que se réformer structurellement ou s’effondrer. Cependant, à la différence des craintes millénaristes, depuis quelques années, ce sont des dizaines de scientifiques de diverses disciplines et de tous bords qui, sur des critères indépendants de l’idéologie ou de la religion, annoncent de très graves menaces. C’est pourquoi cet appel à contributions prend au sérieux lesdites menaces, mais en rejetant également, d’un côté, le catastrophisme absolu (plus ou moins éclairé annonçant le pire à court terme) et, de l’autre, le déni de réalité qui s’appuie sur l’idée de grande résilience de la nature et, plus souvent, sur la foi dans la technique ou le progrès dans la résolution des problèmes écologiques.

Axes thématiques

L’originalité des approches que souhaite promouvoir l’H&S concerne les grandes postures de la revue :

  • Anti-naturaliste : la majorité des textes sur l’écologie ou l’effondrement prônent un naturalisme plus ou moins mystique souvent éloigné des SHS et ne relevant que fort peu les causes sociales des problèmes. Le bio-centrisme ne permet pas de traiter des questions principales au cœur.
  • Humaniste : la revue considère que les humains font et défont l’histoire, ainsi que l’environnement. Seul cet anthropocentrisme assumé de l’analyse permet de chercher les voies, nécessairement politiques, d’une émancipation collective et d’une résolution des problèmes.
  • Pluriversaliste : la revue considère qu’aucune solution réelle et durable aux problèmes écologiques – les principaux sont d’échelle planétaire – ne sera trouvée sans la prise en compte des dominations Nord / Sud et de la dette écologique des pays du Nord à l’égard de ceux du Sud.
  • Critique : la revue évite d’utiliser le « nous » flou ou englobant et tente de se mettre à la hauteur des enjeux en considérant le poids des grands groupes industriels et des appareils technocratiques qui portent et accentuent les logiques productivistes inhérentes au capitalisme.

Les contributions attendues

  • Les contributions pourront questionner les grands principes et les prises de position théoriques. Par exemple, le capitalisme mondial, comme certains le pensent dans les courants marxistes ou libertaires, est-il la seule cause des problèmes ? Si oui, peut-il être structurellement « verdi » ou par quoi le remplacer et avec quelles garanties écologiques ? Quelle autonomie relative des logiques technocratiques ? Quels sont les principaux obstacles sociaux à la transition écologique ? L’Economie sociale et solidaire suffira-t-elle à endiguer les processus morbides ? Jusqu’à quel point le principe de précaution est-il applicable ? Comment est-il possible d’intégrer les droits des générations futures dans l’évaluation des actions présentes ?
  • Les contributions pourront également évoquer des questions plus précises mais transversales telles que les échanges nord-sud et est-ouest qui pourraient cesser d’impacter négativement l’environnement. Comment relocaliser l’économie et avec quelles conséquences sociales ? La préservation de l’emploi (surtout industriel) est-elle conciliable avec les exigences de protection écologique (quelles reconversions en la matière) ? A quelles conditions politiques, économiques et juridiques une politique démographique pourrait-elle contenir l’augmentation d’une population dont seul le productivisme peut étancher les besoins vitaux ? Quelles mobilisations collectives sont les plus efficaces ? Etc.
  • Enfin, elles pourront traiter de dimensions ou facettes particulières des problèmes socio-écologiques. Les Etats ont-ils les moyens de réduire la surpuissance des multinationales les plus dangereuses pour l’environnement ? Quels rapports de forces ou quels lobbies sont efficaces ou bloquants ? Quelles industries pourraient stabiliser ou réduire les émissions polluantes ? Quelle urbanisation pourrait les éviter ? Quelles sources d’énergie et quels moyens de transport seraient vraiment écologiquement durables ? Quelles expérimentations sociales sont à la hauteur des problèmes ? Quels apports et limites des expériences de frugalité volontaire en contexte de précarité et d’inégalités croissantes ? Quelles contradictions en matière de consommation : actions segmentaires, « effet rebond », non rétroactions sur les causes des nuisances ? Etc.

Cette liste n’est pas limitative. Quelles que soient la thématique, l’approche et la perspective des contributions, sont attendues des réflexions sur les conséquences sociales des processus ou des mesures évoquées. Etant donné la portée des problèmes et leur complexité, les contributions collectives et-ou pluridisciplinaires seront possibles, voire valorisées.

Calendrier prévisionnel

  • Résumés de 1000 à 2000 signes attendus pour le 15 octobre 2021. Envoi à : salvador.juan[at]unicaen.fr
  • Retour aux auteurs du 30/10 au 15/11 et demande des textes complets – relatifs aux propositions retenues – pour le 15 janvier 2022 (date butoir). Volume maximum 60.000 signes (espaces compris).
  • Examen des textes par le Comité durant le premier semestre 2022 et parution fin 2022. Toutes les propositions d’article reçues sont évaluées (anonymat garanti) par trois lecteurs, deux du Comité et un extérieur. Nous tranchons à la majorité en cas de désaccord avec d’éventuelles V2 demandées.

Coordination scientifique

Juan Salvador, professeur émérite de sociologie à l’université de Caen Normandie.

Mots-clés

anti-naturalisme, capitalisme, critique sociale, dette écologique, écologie politique, économie sociale et solidaire, effet rebond, énergie, frugalité volontaire, générations futures, lobbies industriels, politiques publiques, pollueurs

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Appel à contributions – Revue Terrains & travaux : « Les rémunérations : fabrique, usages et perceptions » – 18/01/2019

La revue Terrains & Travaux lance un nouvel appel à contribution pour dossier thématique.

 

Depuis une quinzaine d’années, l’accroissement des inégalités de revenus dans les sociétés occidentales est régulièrement dénoncé. Il résulte à la fois d’une forte croissance des revenus du patrimoine des plus riches mais également d’une rapide augmentation des inégalités de salaire. L’attention est notamment portée sur des formes de discriminations salariales qui peuvent être liées à l’engagement syndical ou relever de rapports sociaux de classe, de sexe, de « race ». Parallèlement, les débats sur la gouvernance d’entreprise s’intéressent aux salaires et, plus largement, à toutes les formes de revenus du travail. En 2016, par exemple, l’application du principe Say on Pay de la loi Sapin 2 oblige les patrons du CAC 40 à soumettre au vote des actionnaires le montant de leurs rémunérations lors des assemblées générales. Carlos Ghosn, double PDG de Renault et Nissan, en a fait les frais, le scandale lié à ses rémunérations posant la question de la « responsabilité sociale des entreprises ».

Conjointement, nous assistons en France à une montée de l’individualisation des salaires et à un mouvement de complexification et de diversification des pratiques de rémunération. Au salaire de base, et souvent en complément ou palliatif à l’absence d’augmentation de celui-ci, s’ajoutent des rémunérations variables, collectives ou individuelles, réversibles ou irréversibles. Dans les années 1950, la norme était celle d’un salaire de base fixe et collectif reposant sur les grilles de classification. Les rémunérations étaient alors régulièrement augmentées, sous la double influence de l’ancienneté et des hausses générales de salaires. Depuis les années 1970, on observe en revanche un affaiblissement de la négociation de branche au profit de la négociation d’entreprise, entériné par la dernière réforme du Code du travail. Si la hiérarchie des emplois se négocie au niveau de la branche, c’est au niveau de l’entreprise que se négocie dorénavant le montant réel des salaires.

Sujet central et légitime pour les économistes et les gestionnaires, les rémunérations n’ont longtemps pas constitué un objet de prédilection pour les sociologues. Tandis que les premiers se centrent sur la nature du capital ou sur la motivation liée aux rémunérations, les sociologues se sont intéressés plutôt à la construction des inégalités et aux discriminations salariales. Au croisement de ces différentes disciplines, ce dossier de terrains & travaux, revue de sciences sociales, entend démontrer que l’analyse des évolutions des niveaux, des formes et des régulations des rémunérations est une entrée fructueuse pour étudier les transformations, anciennes et contemporaines, du monde du travail salarié et des entreprises. Reposant sur des données empiriques issues d’enquêtes de terrain, de données statistiques ou archivistiques, les propositions pourront porter sur trois axes principaux de questionnement relatifs à la fabrique des rémunérations, à leurs perceptions et usages managériaux, et enfin aux perceptions et usages qu’en ont les salariés. Les propositions d’articles qui articuleront deux ou trois de ces dimensions sont bienvenues.

 

Date limite : 15 janvier 2019

 

Pour lire le texte complet de l’appel  : https://tt.hypotheses.org/383

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Appel à à sessions thématiques « R&D Management Conference 2019 » – 30/11/2018

i3-CRG organise les 19, 20 et 21 juin prochain à l’X, l’édition 2019 de la conférence internationale R&D Management.  Dans le cadre de cette conférence est lancé un appel à sessions thématiques Sont particulièrement bienvenues toutes les propositions liées à la thématique choisie pour cette conférence, « The Innovation Challenge : Bridging Research, Industry and Society », notamment en relation avec :

  • L’Open Innovation et la co-création
  • L’innovation sociale ouverte et l’innovation inclusive
  • L’innovation utilisateur
  • L’adoption et la diffusion des technologies « deep-tech » (véhicules autonomes, fabrication additive/impression 3D, Blockchain, IoT/objets connectés, Intelligence Artificielle/apprentissage machine, biotechnologies, nanotechnologies)
  • Politiques d’innovation
  • Innovation et éducation
  • Innovation des pays émergents et innovation inverse
  • Espaces d’innovation (Fab Labs, makespaces, espaces de co-working)
  • Innovation et régulation
  • Transition énergétique et écologie
  • Les aspects « dark side » de l’innovation
  • Démocratisation de l’innovation

 

Les propositions de sessions thématiques sont à déposer pour le 30 novembre 2018.

Télécharger le texte complet de l’appel : Call for Special Tracks-1

Site internet : https://portail.polytechnique.edu/i3_crg/fr/rd-management-conference-2019-appel-sessions-thematiques

 

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Appel à propositions d’enquêtes qualitatives beQuali – 15/01/2018

La banque d’enquêtes qualitatives en sciences humaines et sociales (beQuali)  fait partie de l’équipement d’excellence DIME-SHS (Données, Infrastructures, Méthodes en SHS). Elle est développée au Centre de données socio-politiques (CDSP, UMS 828 Sciences Po – CNRS).

L’appel à propositions d’enquêtes qualitatives est ouvert du 16 octobre 2017 jusqu’au 15 janvier 2018.

 

Cet appel s’adresse aux chercheurs, aux professionnels de l’information scientifique et technique ou aux institutions ayant produit ou conservant des enquêtes qualitatives en sciences sociales. Il vise à recueillir des propositions de dépôt d’enquêtes dans beQuali.

L’opportunité de valoriser et de sauvegarder vos enquêtes

L’ouverture des données de la recherche est plus que jamais d’actualité. Or aujourd’hui, les données d’enquêtes qualitatives en sciences humaines et sociales sont rarement sauvegardées dans des conditions garantissant leur disponibilité pour la recherche et l’enseignement. Pour répondre à ce besoin, la banque d’enquêtes beQuali offre un service national et gratuit de documentation, d’archivage et de mise à disposition en ligne de ces données.

Vous êtes chercheur-euse ou membre d’une équipe de recherche en sciences sociales

Vous souhaitez donner une seconde vie à vos travaux ? Les protéger de la détérioration matérielle du temps, tout en leur offrant de la visibilité auprès d’étudiants ou de collègues travaillant sur les mêmes terrains ? BeQuali vous permet de mettre en valeur vos enquêtes, tout en encourageant la réflexion collective sur la production de données de terrain. Vous rendez accessibles vos matériaux sur un site innovant et sécurisé, à l’accès contrôlé, utilisé par des enseignants et chercheurs dans le cadre de projets de recherche. L’anonymisation et la contextualisation de l’enquête sont réalisées en collaboration avec vous après un entretien qui vous donne la parole. Alliées aux fonctionnalités d’exploration des données en ligne, cela vous garantit la réception de votre recherche dans les meilleures conditions, dans le respect de vos enquêtés et du droit d’auteur.

Vous êtes professionnel-le de l’information scientifique et technique

Vous conservez ou référencez des archives d’enquêtes ? Vous souhaitez les valoriser et sensibiliser les chercheurs à l’archivage et au partage de leurs données ? En articulation étroite avec vous, beQuali les décrit, les contextualise et les signale sur son site et sur le portail français d’accès aux données pour les sciences humaines et sociales (le Réseau Quetelet qui appartient au Consortium of European Social Science Data Archive). Banque de données interopérable, conforme aux standards et aux recommandations en vigueur, beQuali est également partenaire de consortiums pour les humanités numériques et s’inscrit dans une démarche collective de préservation des archives d’enquêtes en sciences humaines et sociales.

 

Contact pour pour toute demande (information, conseil en vue d’une proposition, intervention pour présenter la banque d’enquêtes, etc.)

contact [at] bequali.fr

 

Plus d’infos sur http://bequali.fr/fr/appel-proposition/

 

 

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Appel à contributions de la Nouvelle Revue du travail

Appel n° 12 – Nouvelle Revue du travail – Les pratiques du low cost

Date limite de dépôt des articles : 1er mars 2017

Plan
1 – Analyser le low cost dans différentes dimensions
2 – Les effets sociaux du low cost

Corpus coordonné par Marnix Dressen et Jean-Pierre Durand

La notion de low cost est difficile à définir. Elle peut désigner un processus de production ou bien le produit fini. On parle aussi de pays low cost au sens de zone géographique à bas coût de main-d’œuvre. Ces flottements sémantiques figurent parmi les raisons qui poussent à s’intéresser au low cost et à la place, semble-t-il, croissante qu’il occupe dans les pays occidentaux, notamment.
Certes, le fait que la plupart des produits (et de services) soient de qualités et de prix différenciés n’est pas nouveau. Toutefois, au-delà de la concurrence par les prix, on peut s’interroger sur l’émergence d’un nouveau modèle que l’on pourrait d’abord définir à partir de deux de ses principes essentiels imbriqués :

  • la simplification radicale du produit ou du service pour le réduire à sa fonctionnalité-cœur (sans luxe, sans confort ou recherche esthétique) : le déplacement point à point dans le trajet aérien ou ferroviaire (avec espace et prestations réduits ou facturés en sus), la conception-fabrication d’une automobile « basique », la mise à disposition des marchandises dans leur carton d’emballage, sur palettes, dans la grande distribution hard discount, par exemple.
  • la réduction au minimum des coûts des inputs (matériaux bon marché et réduction maximale des dépenses relatives au travail). Elle suppose le recours massif à la sous-traitance, à l’implantation des activités productives dans les pays de main d’œuvre à bas coût et à fiscalité attractive pour le capital, à l’intensification du travail et/ou au recours systématique à des statuts d’emplois dépréciés.

Le low cost a des effets directs sur cette institution centrale qu’est le travail : à la fois des effets directs pour les salariés des entreprises concernées ou par « contagion » puisqu’on peut se demander s’il ne conduit pas les firmes traditionnelles concurrentes à s’aligner sur les salaires et les conditions d’emploi et de travail des premières. En outre, le low cost tend à devenir un modèle de société largement favorisé par les technologies de type Internet : la dématérialisation croissante du commerce est un des facteurs de la réduction des prix et transforme la diffusion des produits et des services.
La « low-costisation » donne le sentiment, au premier abord, d’être un mouvement continu. Ainsi, on peut voir dans l’émergence de la grande distribution dans les années 1960 en France un mouvement de ce type si on le rapporte aux épiceries de proximité qui prévalaient jusqu’alors. Par la suite, le hard discount a fait son apparition et on peut se demander si la vente en ligne par des sites spécialisés dans les « prix cassés », n’est pas aussi une des modalités de continuation s’inscrivant dans cette logique, en particulier parce qu’elle s’appuie toujours plus sur le travail du consommateur.
Plus largement, on peut aussi se demander si le low cost n’encourage pas les salariés et les consommateurs à une sorte de clivage identitaire : en tant que consommateurs, ils peuvent avoir intérêt à une réduction drastique des coûts, mais, en tant que salariés, cette dernière peut leur nuire gravement en réduisant leur salaire et en conséquence justifier toujours davantage le recours aux produits low cost. En s’inspirant des réflexions de Marx et de l’école de Francfort, on peut se demander si le fétichisme de la marchandise et l’invisibilisation des conditions de production dans un mode de production capitaliste, ne sont pas redoublés par la logique du low cost. Dans cette optique, le low cost radicaliserait le capitalisme classique. On pourrait même aller plus loin en se demandant si la quête méthodique du moins cher sans souci pour le producteur n’est pas porteur d’une sorte de « révolution anthropologique » au sens de Norbert Elias, c’est-à-dire d’une transformation en profondeur de nos structures mentales qui nous interdirait de penser certaines situations en transformant nos affects en profondeur. Nous serions entrés dans une société basée sur la culture du low cost pour le plus grand nombre, pour le plus grand profit des élites économiques qui se réserveraient les consommations du luxe le plus coûteux.

1 – Analyser le low cost dans différentes dimensions
Les articles sollicités pourraient notamment envisager les domaines suivants :

Approches historique & géographique : On décrit volontiers le bas coût comme un fruit de la crise de croissance et de régulation du capitalisme industriel et un enfant du capitalisme financier, mais n’en trouve-t-on pas des traces plus anciennes ? Quelles sont les premières traces du low cost dans la modernité contemporaine ? Quelles catégories d’acteurs l’ont promu et dans quelles circonstances, avec quelles attentes ? Et s’il est plus ancien qu’on l’imagine spontanément, qu’est-ce qui distingue ses prolégomènes de ses réalités actuelles ? Dans quels espaces politiques (continents, États-nations, régions, etc.) a-t-il vu le jour ? Comment la question du low cost se posait-elle et se pose-t-elle encore à l’étranger (sa localisation, sa morphologie, son importance, etc.).

Emploi & travail : Est-il possible de fournir un ordre de grandeur du poids et de la dynamique des activités de type low cost dans l’économie, en particulier en termes d’emplois dans l’industrie, dans les services et éventuellement dans le secteur primaire (agriculture) ? Qu’ont de spécifique ces emplois et les conditions de travail qui les caractérisent ? Ce type d’activités mobilise-t-il une main-d’œuvre typique (en terme de sexe, d’âge, d’origine nationale, de niveau de formation, etc.) par rapport aux activités ordinaires du même type ? Dans les branches, sous branches ou « professions » « low-costisées », observe-t-on des types de conflits collectifs et de négociations spécifiques ? En quoi se distinguent-elles de celles qu’on observe dans le segment primaire des emplois identifié par Doeringer et Piore (1971) ? Constate-t-on un effet de dissémination du low cost sur les emplois plus ordinaires ? Qu’en est-il de ses effets sur le travail concret et son organisation ? Cela conduit à se demander si les productions et emplois low cost tirent toutes les productions et le travail du plus grand nombre « vers le bas » ou au contraire assiste-t-on à une polarisation entre productions de bas et de haut de gamme ? Comment associer cette éventuelle polarisation avec l’émergence de productions et des producteurs de rangs intermédiaires (middle cost par exemple dans le cas du transport aérien de passagers) ?

Diversité des modèles : Quelles sont les différents types de low cost ? L’ensemble des activités industrielles et de services partage-t-il des caractéristiques communes (transverses) ou, au contraire, les réalités du low cost sont-elles distinctes et spécifiques à des espaces socio-économiques déterminés (segmentation verticale) ? Les spécificités de branches l’emportent-elles sur les spécificités nationales et dans le cas contraire comment se fait l’hybridation ?

Comment définir le marché des produits concernés, leur poids dans la production économique visible et quelles sont les dynamiques à l’œuvre ? Que sait-on du chiffre d’affaires des entreprises low cost et de leur contribution aux PIB nationaux ? Dans les grandes entreprises historiques, comment évoluent les rapports entre les activités traditionnelles et la diversification low cost ? Dispose-t-on aujourd’hui de données permettant d’évaluer statistiquement les phénomènes décrits ? Quelles sont les interprétations possibles et quelles significations en tirer quant à l’évolution des systèmes productifs ? Enfin, le secteur privé est-il le seul concerné ou le secteur public est-il également touché (par exemple par la dématérialisation des relations entre les usagers, l’administration et les entreprises publiques).

2 – Les effets sociaux du low cost
Quels sont les effets sociaux du low cost ? Comment se répartissent les segments de clientèles concernés ? S’agit-il plutôt de classes d’âges juvéniles et/ou de couches populaires en difficultés ou au contraire de classes moyennes supérieures qui pâtissent peu de la polycrise que traversent nos sociétés occidentales ? Dans quelle mesure le recours au low cost concerne-t-il les activités de loisirs (hôtellerie basique sans personnel d’accueil par exemple) et dans quelle mesure touche-t-il les activités professionnelles (cadres aux frais de transport pris en charge par leur entreprise qui se déplacent dans des compagnies aériennes à bas coût) ?

À partir de la réduction des coûts de production et des bas prix pratiqués dans les services et sur certains produits industriels, le low cost ne contribue-t-il pas à un maintien ou même à une élévation du pouvoir d’achat pour les catégories sociales populaires ? Plus précisément, le low cost contribue-t-il à une amélioration du niveau de vie en rendant accessibles des biens et des services qui ne l’étaient guère auparavant pour les couches populaires en particulier (voyages à l’étranger en avion, voitures neuves, etc.). En ce sens, le low cost ne joue-t-il pas un rôle de substitution partielle à l’État keynésien affaibli et endetté ? Le low cost n’aurait-il pas alors une fonction sociale intégratrice partiellement structurée autour de la quête jamais assouvie de produits bon marché qui mériterait analyse ? Est-il abusif d’attribuer au low cost une fonction qui évoquerait le « processus de civilisation » quant à une « transformation anthropologique », au sens déjà défini ci-dessus, poussant certaines catégories sociales virtuoses de l’Internet ou encore faiblement dotées en capital économique à toujours chercher le meilleur rapport qualité/prix en privilégiant le facteur prix ?
Comment les clients de produits ou de services low cost qui sont aussi des travailleurs ou des futurs travailleurs vivent-ils cette sorte de contradiction entre leur fonction d’acheteur tentés par les bas prix et leur fonction de salariés dont les conditions de travail et d’emploi sont possiblement dégradées par la production de produits d’entrée de gammes ? Dans quelle mesure est-il excessif de parler de clivage identitaire ? Au-delà, le low cost ne participe-t-il pas à une dégradation de l’environnement en accroissant la consommation de certaines ressources fossiles (par exemple l’empreinte carbone du transport aérien et d’autres possibles dans l’industrie) ; mais alors, comment situer le low cost dans un souci de réduction des inégalités sociales ?

 

Cet appel à articles concerne tous les chercheurs en sciences sociales (historiens, géographes, sociologues, économistes, philosophes, anthropologues, etc.) et à tous les acteurs du low cost (cadres d’entreprises, syndicalistes, consommateurs, etc.).

Les articles ne dépasseront pas 45 000 signes (espaces, notes de bas de page et bibliographie compris) et sont à adresser avant le 1er mars 2017 à nrtravail@gmail.com en suivant les modalités et les normes de présentation précisées à la rubrique « Soumission et évaluation » du site de la NRT : nrt.revues.org

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