Séminaire « Genre Et Monde Carcéral » Séances 3 et 4
INFORMATIONS
Les deux dernières séances de la saison 2023 du séminaire « Genre et monde carcéral », soutenu par la MSH Paris-Saclay, auront lieu le vendredi 29 septembre 2023 de 10h à 17h sur les thèmes : Catégorisations pénales et régimes de genre (matin) et Criminalisation, justice de genre et néolibéralisme (après-midi).
Cet événement aura lieu en format hybride :
- En présentiel à l’ENS Paris-Saclay dans la salle 3G07, 4 Avenue des Sciences, 91190 Gif-sur-Yvette
- En distanciel via un lien Zoom communiqué par mail après inscription
Résumé
Pour comprendre les régimes de genre qui se jouent dans l’enfermement, il faut décentrer notre regard afin d’interroger la manière dont ils informent l’entièreté du continuum carcéral. Les troisième et quatrième séances du séminaire « Genre et monde carcéral » se proposent d’analyser la manière dont ces régimes influent, dans nos contextes néolibéraux, sur les processus de criminalisation ainsi que sur les politiques pénales qui cherchent à y répondre. Une attention particulière sera portée aux univers historiques et théoriques desquels les politiques publiques de lutte contre les violences de genre s’inspirent. Les quatre interventions proposées nous permettront en outre d’observer dans quelle mesure les attentes et les rapports sociaux de genre informent les contours des catégories pénales (légitime défense, harcèlement sexuel, viol), tout autant qu’ils imprègnent les traitements judiciaires et pénaux des différent·e·s justiciables.
PROGRAMME
Matin (10h-13h) – Catégorisations pénales et régimes de genre
- 10h-11h30 : Carole Gayet-Viaud, Chargée de recherche CNRS au CESDIP – Chercheuse associée au CEMS (EHESS)
– De la politisation à la pénalisation du harcèlement de rue : les usages du concept de « continuum de violence »
Cette contribution permettra d’éclairer la réflexion sur le traitement politique et judiciaire du harcèlement de rue à partir de l’analyse des théories et politiques visant les incivilités. Engagées en France et en Europe depuis les années 1990, elles se sont adossées à des conceptions de l’ordre public urbain, et de l’articulation entre formes mineures de déviance et criminalité, qui ont des traits communs avec les thèses mobilisées pour justifier la pénalisation du harcèlement de rue. L’identification de ces analogies permettra de mettre en perspective l’usage politique (et juridique) qui y est fait du concept de « continuum de violence ».
11h30-13h : Vanessa Codaccioni, MCF – HDR à l’Université Paris 8 (CRESPPA-CSU)
– Les femmes en état de légitime défense : violences et discriminations judiciaires
À partir d’une analyse historique et sociologique de la légitime défense, entendue à la fois comme disposition pénale et comme usage défensif de la violence, cette communication reviendra sur les modalités d’exclusion des femmes du groupe des justiciables pouvant mobiliser la violence défensive homicidaire. Plus précisément, en focalisant sur les années 1970 et 1980, période de multiplication sans précédent des homicides dits « défensifs » ou « commis en état de légitime défense », on verra qu’il s’agit là d’un impensé juridique et politique.
Pause déjeuner : 13h-14h
Après-midi (14h-17h) – Criminalisation, justice de genre et néolibéralisme
- 14h-15h30 : Amélie Bescont, ATER en Science Politique à l’Université de Tours – Chercheure associée au CEVIPOF
– De l’évidence masculinocentrée aux paradoxes interprétatifs de l’agentivité criminelle des femmes
Afin d’objectiver les ressorts du crime, la théorie pénale moderne et la criminologie classique se sont initialement articulées à une compréhension libérale de l’agentivité humaine qui s’est avérée dualiste en ce qu’elle opposait à l’autonomie, à la capacité de raison, à la force et plus spécifiquement au « potentiel criminel et délictuel » qu’elle prêtait aux hommes, la passivité, l’« irrationalité » et en définitive « l’a-criminalité » qui étaient d’après elle propres aux femmes. Nous observerons dans quelle mesure les divers savoirs féministes sur le crime produits en France et dans les contextes anglosaxons depuis les années 70, sont parvenus à se distancier de cette épistémè libérale et différentialiste. Nous verrons qu’en dépit de leurs démarches critiques et parfois même en vertu des agendas politiques dont elles étaient porteuses, une partie des chercheuses qui s’inscrivaient dans cette perspective eut bien recours à cet univers moral différentialiste et reproduisit au travers de ses conclusions scientifiques, certains des biais de genre, de classe et d’ethnicité qui avaient traversé la criminologie classique.
15h30-17h : Alexane Guérin, Doctorante en théorie politique à Sciences Po Paris (CERI, ISJPS)
– La qualification du « viol ordinaire » : un décentrement du pénal à partir de la perspective située des victimes
Cette communication s’intéresse à un type spécifique de violence de genre que j’ai qualifié de « viol ordinaire » à partir de trois critères : la relation de proximité entre la victime et l’agresseur (amis, date, partenaires sexuels, amoureux), la situation de quotidienneté dans laquelle le viol est commis et la potentielle intimité qui lie les deux individus (l’éventualité d’un rapport sexuel consenti est crédible). À partir de l’analyse d’entretiens réalisés avec cinq victimes, je montrerai que la qualification du viol ordinaire par les premières concernées relève d’un processus de friction épistémique (dû aux injustices herméneutiques, au continuum de la violence de genre, au refus de la catégorie de victime, etc.). Ce processus se distingue radicalement de la procédure de qualification pénale, construite à partir des logiques probatoires, économiques et téléologiques propres au régime pénal. Cette présentation proposera donc de re-signifier ce qu’est la « qualification du viol » à partir des savoirs expérientiels et situés des personnes concernées.
INSCRIPTION
Inscriptions closes.