Axes de recherches

Axe 1 : Numérique et Humanités

L’axe « Numérique et humanités » catalyse les dynamiques de recherche autour de la révolution numérique et ses ambivalences. Si, d’une part, cette révolution change le visage des sociétés et des économies, et représente une opportunité indéniable de développement, d’autre part, elle pourrait constituer une menace pour nos libertés individuelles. Les enjeux sociétaux des réseaux, des données massives, de l’algorithmique sont au cœur des projets de recherche labellisés par la MSH Paris-Saclay.

 

Le monde des données est aujourd’hui traversé par des changements profonds. Comme dans d’autres domaines, les données accumulées par les enquêtes en SHS (qualitatives et quantitatives) constituent maintenant un stock considérable, destiné à s’accroître encore dans les années à venir. On voit émerger progressivement le problème des données massives (big data), connectées (réseaux sociaux) ou complexes (langage naturel et images).Statistiques et algorithmique sont appelées à résoudre des problèmes de stockage (compression, indexation, streaming), de calcul distribué, de fiabilité et traçabilité.

La révolution digitale incite les entrepreneurs à repenser les modes de production en composant avec l’empowerment des consommateurs. Les enjeux éthiques et juridiques des données massives obligent les SHS à réfléchir à la préservation du patrimoine informationnel, à la protection de la vie privée, au design et à l’implémentation des régulations. Conception et mise en place des nouvelles règles du jeu sont surveillées par des commissions compétentes telle que la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés).

L’économie des données incite les entreprises à une plus grande flexibilité et une réallocation continue des ressources. Pour y répondre, un petit nombre d’entreprises – Google, Apple, Facebook ou Amazon (GAFA) – concentrent une part croissante des données (selon une distribution de Pareto) obtenues de sources diverses (internet, smartphones, objets connectés). La question du pouvoir de marché et celle des rentes associées se trouvent ainsi posées. Les gouvernements sont appelés à réguler les marchés des données pour protéger la souveraineté des citoyens contre l’extraction de rentes économiques et politiques.

La production, la conservation et la mise à disposition de données fiables et pertinentes ont un coût qui doit être supporté par certaines parties prenantes. Des aides de l’État ont permis, jusqu’ici, la mise à disposition de données issues de la statistique publique, des administrations et des enquêtes des chercheurs, les rendant réutilisables pour la recherche SHS. Dans ce cadre, L’EQUIPEX (Équipement d’excellence) CASD (Centre d’accès sécurisé distant) joue un rôle de premier plan. Il s’agit d’une infrastructure nationale du GENES (Groupe des écoles nationales d’économie et statistiques) basée à l’Université Paris-Saclay et spécialisée dans la mise à disposition de données individuelles très détaillées et, donc, le plus souvent soumises à des conditions de sécurité élevées. Au CASD se pose actuellement le problème du choix d’un modèle d’affaires, après le passage d’un système de subvention étatique (avec gratuité pour les utilisateurs) à une grille tarifaire faisant payer à chaque utilisateur les services qu’il utilise, reportant le coût ultime sur les bailleurs de fonds qui financent son projet. Il apparaît déterminant que la MSH Paris-Saclay offre un soutien aux chercheurs dont les travaux exigent l’analyse de microdonnées détaillées, pour laquelle ni les open data (de l’INSEE ou d’autres producteurs) ni les fichiers agrégés et anonymisés conçus pour la réutilisation secondaire standard comme les Fichiers production et recherche (FPR) ne seraient suffisants.

Plus généralement, la MSH Paris-Saclay entend promouvoir la diffusion des données en hébergeant une PUD (Plateforme universitaire des données) sur le modèle de celles de Lille, Caen et Lyon. Elle participera aux infrastructures de conservation et de mises à disposition de fichiers agrégés et anonymisés : TGIR (Très grandes infrastructures de recherche) PROGEDO (Production et gestion des données en sciences sociales) et CESSDA (Consortium of European Social Science Data Archives). Reste la question de la valorisation des données.

Les données massives seraient inertes sans les algorithmes de fouille. Des machines toujours plus puissantes brassent aujourd’hui de plus grandes masses de données. Pourtant, loin de se cantonner à des effets de volume, la révolution des big data est marquée par l’usage d’algorithmes au croisement des statistiques, de l’informatique et de l’intelligence artificielle. Ils doivent faciliter la construction de modèles sur les comportements et les représentations collectives ou la prise de décision. Dans leur vie quotidienne, les individus laissent des traces, qui sont autant de données. Elles sont repérables dans leurs relations avec les organisations (administrations, entreprises…), mais plus généralement via leurs usages des technologies numériques. Pensons, par exemple, à leurs déplacements (caméras de vidéosurveillance), aux paiements (cartes bancaires), ou à certains aspects de la vie domestique (capteurs et objets connectés). Ces grandes masses de données numériques, précisément datées (time-stamped) et souvent géolocalisées, attirent les entreprises, la statistique publique et la recherche en SHS.

Ces données massives sont aussi un défi théorique pour les SHS. Elles questionnent les théories de la décision et de l’optimisation. Les modèles statistiques et les algorithmes de décision traditionnels se révèlent inadaptés à traiter des données hétérogènes, complexes, incomplètes et incertaines. Elles doivent susciter de nouvelles recherches sur les usages de la technologie et ses conséquences sur les comportements individuels et collectifs ainsi que sur les dynamiques sociétales. La sociologie, l’histoire, l’économie, l’anthropologie, la psychologie et bien d’autres disciplines encore sont naturellement amenées à se pencher sur ces questions.

Du point de vue éthique et épistémologique, la gestion des données doit aussi intégrer des nouvelles contraintes telles que la sécurité et la traçabilité. La confiance numérique résulte de l’application de méthodes éthiquement et juridiquement responsables. Il s’agit de réguler la récolte, le traitement et l’interprétation des données personnelles. La protection de la vie privée passe par une protection des données à toutes les étapes du processus. La traçabilité repose sur une conception réfléchie des infrastructures de stockage et de traitement. Du point de vue éthique et juridique encore, la vie privée est menacée par le croisement des traces (géolocalisation, transactions électroniques, fréquentation des sites web) dont disposent certaines multinationales (GAFA), ainsi que par la possibilité de piratage de données privées (médicales, fiscales, financières) en l’absence de régulations adaptées. Les algorithmes prédictifs représentent de nouvelles opportunités tout autant que des menaces dans les secteurs de la santé et de l’assurance avec un risque important de discrimination. Du point de vue politique, la démocratie est fragilisée par le tracking des électeurs et la manipulation de l’information à leur adresse à la veille des élections. Plus généralement, le pluralisme comme socle de la démocratie est potentiellement remis en cause par les traitements algorithmiques et l’émergence de médias sociaux dominants. Tout en encourageant des projets pilotes montrant la voie dans l’utilisation de données massives en SHS, la MSH Paris-Saclay soutiendra des travaux qui s’interrogent sur les enjeux sociétaux des big data et des algorithmes, et contribuent à éclairer la décision publique sur ces sujets brulant d’actualité.

La montée en puissance des moyens de calculs permet de brasser des masses vertigineuses de données. La vraie révolution toutefois est celle des algorithmes de fouille basés sur le tracking, le machine learning et l’interopérabilité des bases de données.Ces dernières années, l’apprentissage profond (deep learning) a montré son efficacité, notamment en ce qui concerne le langage naturel et la vision par ordinateur. La question d’une intelligence artificielle qui surpasse l’intelligence humaine dans certaines applications interroge directement les SHS.

Simon avait déjà critiqué la rationalité néoclassique en 1947 et introduit une notion de rationalité limitée fondée sur l’intelligence artificielle. Les travaux de Kahneman et Tversky en 1974 ont aussi contribué à dépasser l’axiomatique traditionnelle par le biais de l’heuristique du jugement et l’ouverture aux sciences cognitives. Les avancées récentes en théorie de la décision (sparsity theory), intelligence artificielle (convergence homme-machine) et neurosciences (IRM fonctionnel) permettent le dépassement du cadre standard de la rationalité instrumentale au sens de Weber (1913).

La MSH lance des appels à projets interdisciplinaires et assure l’animation de la recherche sur les données, les algorithmes et la décision en étroite collaboration avec les projets existant dans le périmètre saclaysien. Parmi tous ces projets, l’Institut Convergence DATAIA fait figure de proue. DATAIA porte la recherche SHS sur les données et les algorithmes. Ses applications concernent la politique énergétique, les smart cities, la mobilité, l’alimentation et le bien-être. Le LABEX (Laboratoire d’excellence) DIGICOSME (Digital Worlds: Distributed Data, Programs and Architectures) finance les recherches sur les mondes numériques, programmes et architectures distribués, tandis que l’EQUIPEX MATRICE (Mémoire, analyse, théories, représentations individuelles et collectives, expérimentations) est une plateforme multifactorielle, multi-échelle et multidisciplinaire pour les mémoires individuelle et sociale. Sur les questions liées à la décision et à la rationalité, la MSH est impliquée dans l’IRS (Initiative de recherche stratégique) ICODE2 (Institute for Control and Decision of Paris-Saclay) et dans le LABEX MME-DII (Modèles mathématiques et économiques de la dynamique, de l’incertitude et des interactions). Le LABEX ECODEC (Économie et sciences de la décision) porte aussi les recherches en théorie de la décision. Mais la révolution numérique ne se limite pas à ces aspects. Elle impacte aussi les humanités et les activités individuelles et collectives liées à la mémoire, au patrimoine, à leur valorisation et leur transmission.

L’arrivée de l’informatique ouvre de nouvelles perspectives de développement des humanités. À n’en pas douter, les nouveaux moyens de calcul et de communication, au croisement de la recherche et de l’ingénierie, vont rapidement bouleverser la façon de penser, d’enseigner et de diffuser les savoirs, les objets et les méthodes de recherche, grâce au mariage de l’informatique, des arts, des lettres et des SHS. Ces nouvelles humanités numériques doivent prendre toute leur place au sein du projet de la MSH Paris-Saclay. Elles constituent en effet un domaine qui mérite un intérêt particulier à deux titres. D’une part, parce que ces supports et ces méthodes vont probablement être à l’origine d’inventions et d’innovations dans les méthodes de recherche, d’enseignement et de diffusion de l’information scientifique et technique. Ceci constitue un enjeu national validé par le réseau des SHS ATHENA. D’autre part, ces nouvelles modalités doivent être mises en perspective afin d’en évaluer la portée et les modalités du point de vue méthodologique et épistémologique. Les promoteurs et les pionniers des humanités numériques se donnent souvent comme objectif d’améliorer l’accès, la diffusion, le partage et la valorisation du savoir. À l’évidence, en modifiant fortement le mode d’accès aux objets et aux pratiques culturelles, le numérique est susceptible de transformer la connaissance et le rapport aux pratiques culturelles de nouveaux acteurs et groupes sociaux. Dans ce cadre, l’environnement du plateau de Saclay regroupe un ensemble impressionnant d’institutions et de compétences individuelles ou collectives. Sont présents des disciplines et des laboratoires relevant de l’histoire, de la sociologie, du droit privé et public, de l’économie, des études théâtrales ou de la musicologie. À cela s’ajoutent des équipes issues des sciences “dures” qui travaillent sur l’informatique.

La MSH Paris-Saclay a vocation à favoriser l’émergence de nouvelles collaborations. Plusieurs pistes paraissent prometteuses : nouvelles formes de conception et de pratiques des humanités, étude des productions culturelles et artistiques « numériques », invention de nouvelles modalités de conservation et de diffusion numériques. Des recherches sur les modalités de réception par des acteurs ou utilisateurs « anciens » ou « nouveaux » devra aussi faire l’objet de recherches. Trois champs – pluridisciplinaires et transversaux – paraissent dans un premier temps particulièrement prometteurs.

Le premier concerne l’articulation entre les parcours professionnels des créateurs et les modalités de leur travail de création. On pense ici aux nouvelles formes de création qui intègrent les technologies digitales les plus récentes. On pense aussi aux profondes transformations du travail artistique dans différents secteurs (musique, cinéma). À l’évidence, les nouvelles technologies paraissent affecter les conditions d’entrée dans les activités artistiques et culturelles. Elles appellent à une transformation des cursus de formation. Elles vont imposer une évolution du statut juridique d’un ensemble de professions anciennes ou émergentes. Elles vont transformer les modalités de protection par le droit de leurs productions artistiques, scientifiques ou pédagogiques. Autant de choses qui méritent des travaux approfondis.

Le second champ, plus centré sur l’histoire, doit permettre d’aller plus loin dans la compréhension de l’histoire transnationale. En mobilisant des outils et des supports numériques, ce champ d’étude s’appuie sur l’étude des représentations, des pratiques ou des modes de vie que véhiculent ces nouvelles formes de productions numériques. L’accent sera en particulier mis sur la longue durée. Des projets de ce type existent déjà dans le périmètre de Paris-Saclay, par exemple en musicologie. Ils illustrent la fécondité de ce type de démarche. Les technologies modifient les frontières au sein du travail de création collective. Petit à petit, c’est la définition des acteurs individuels ou collectifs qui s’en trouve interrogée. Par exemple, les premières recherches permettent de mieux comprendre l’activité et le travail de certains acteurs qui, sans être directement qualifiés de créateurs, participent néanmoins au travail de création. On pense par exemple aux éditeurs littéraires ou musicaux, aux impresarios, aux producteurs de cinéma, sans oublier les directeurs de labels dans l’industrie musicale, les administrateurs de production dans le spectacle vivant.

Le dernier champ qui mérite un soutien de la MSH Paris-Saclay porte sur les phénomènes de médiation et de réception des productions culturelles et artistiques. Cette thématique concerne de nombreux publics. Un accent particulier sera mis sur l’étude des nouveaux dispositifs de médiation numérique. On pense par exemple au jeu vidéo OFABULIS développé avec le CMN (Centre des monuments nationaux). Là encore, une mise en perspective historique doit faciliter la compréhension ces nouveaux dispositifs. L’histoire des médias, de l’image ou de la communication sera ici particulièrement sollicitée. C’est déjà le cas avec le projet TRANSFOPRESS (Transnational Network for the Study of Foreign Language Press) sur la presse en langues étrangères. Ce projet présente un fort potentiel de développement. Il est soutenu par la FSP (Fondation des sciences du patrimoine) en étroite collaboration avec le LABEX PATRIMA (Patrimoines matériels : savoirs, conservation, transmission).

Les nouvelles technologies révolutionnent également les recherches sur le patrimoine.

L’économie de l’immatériel façonne à la fois le processus de patrimonialisation, les modalités de transmission et les pratiques de création culturelle. Au-delà de la question de l’impact du numérique sur les champs du patrimoine et de la création, le numérique fait aussi émerger de nouvelles catégories patrimoniales, le patrimoine numérique, qui regroupe un ensemble de ressources et de données culturelles et patrimoniales selon la définition de l’UNESCO. Sous l’intitulé de « patrimoine numérique » peuvent être abordées les problématiques de traitement et d’archivage des données patrimoniales, de partage et d’enrichissement des données, de production collaborative des savoirs, de représentation, visualisation et création numérique (arts et sciences), ainsi que les questionnements épistémologiques, organisationnels et sociétaux associés. Le lien entre création et patrimoine pourra contribuer à nourrir une réflexion croisée, en particulier avec le développement de la notion de patrimoine immatériel.

Le patrimoine est à la fois un objet d’étude pour les chercheurs, mais aussi une source de questionnement scientifique sur la conservation et la valorisation. On pense par exemple au partage des objets de recherche, à l’évolution de l’acte de conservation (donc aussi de tri et de sélection) ou à la valorisation des objets patrimoniaux. On pense aussi à l’impact du numérique sur la façon de décrire, de penser, de nommer, de visualiser, de désigner le patrimoine. Se posent ensuite les problèmes liés à la dématérialisation qu’affrontent aujourd’hui un certain nombre d’institutions patrimoniales (bibliothèques, musées, archives). Il s’agit enfin d’identifier ce que le numérique peut apporter à la connaissance ou au partage des objets. Les futures recherches pourraient porter plus précisément sur la dématérialisation des objets culturels, la visualisation, le partage collaboratif, l’authenticité, la circulation des pratiques et des savoirs, le statut social et juridique des objets.

La virtualisation des patrimoines matériel et immatériel ne doit pas se substituer à la conservation du patrimoine physique et des supports traditionnels. Une dimension importante de la recherche saclaysienne est l’étude des matériaux. Il s’agit d’une dimension étroitement liée aux processus de patrimonialisation (objets de musée, collections d’histoire naturelle et d’archéologie, architecture, manuscrits et livres, archives). L’étude des matériaux a été profondément renouvelée par l’importance grandissante prise par les données et leur accessibilité. La caractéristique des travaux menés dans ce cadre est de combiner d’une manière inédite des sciences expérimentales (physique et chimie), les mathématiques, les sciences de l’information avec des SHS. De nombreuses recherches reposent sur des études empiriques construites dans le cadre d’une pratique épistémologique innovante. L’objectif est d’intégrer des données physicochimiques dans les modèles d’interprétation pluridisciplinaire. Cela a pour conséquence logique de mobiliser l’histoire des sociétés dans leur dimension artistique, culturelle, technique ou économique. On pense aussi à l’étude de l’évolution environnementale des sites, à l’optimisation des traitements de conservation et de restauration des objets du patrimoine. Il s’agit, en effet, à partir d’une approche interdisciplinaire des objets anciens, de comprendre comment les patrimoines, au sens matériel et immatériel, sont le résultat d’une série d’opérations historiques, juridiques, sociales, scientifiques ou techniques. Le patrimoine constitue ainsi un observatoire idéal pour saisir l’historicité des productions, des pratiques sociales qui leur sont liées ou des évolutions environnementales. On voit émerger les problèmes de l’authenticité, de la circulation des matériaux, des procédés techniques et des savoirs,de la dégradation/taphonomie des objets. En parallèle, du point de vue de la méthode et des réflexions épistémologiques, on s’interrogera sur le problème de vocabulaire, de traitement interdisciplinaire de données quantitatives et qualitatives, de statut social et juridique des objets patrimoniaux et d’épistémologie/sociologie de l’interdisciplinarité. L’hétérogénéité propre aux matériaux anciens est mise à profit comme nouvelle source d’information à propos de leur trajectoire historique et des pratiques associées. Cette approche réflexive transcende les approches traditionnelles et jette les bases d’une évolution épistémologique et méthodologique de la recherche interdisciplinaire dans ce domaine en ayant un impact direct sur ses objets concernés : questions d’hétérogénéité, d’altération au cours du temps et d’historicité, de croisement des échelles et d’échantillonnage. La MSH Paris-Saclay vise à rassembler les unités du plateau de Saclay autour des transversalités qui émergent de la cartographie SHS concernant les problématiques patrimoniales. Au-delà même des entités académiques, les unités de Paris-Saclay interagissent directement avec des institutions patrimoniales et culturelles du plateau de Saclay et de ses vallées (châteaux, musées, archives et théâtres). Ces unités travaillent avec des institutions culturelles de premier plan, au niveau régional ou national. Certaines de ces activités viendront naturellement s’inscrire dans le cadre de l’accord-cadre entre le CNRS et le ministère de la Culture et de la Communication. La reconnaissance internationale de la France dans le domaine des études sur les cultures et le patrimoine doit amener les équipes de Paris-Saclay à accentuer les collaborations existantes avec les universités d’Oxford, de Berkeley et de Stanford. La MSH Paris-Saclay souhaite associer étroitement le LABEX PATRIMA et l’EQUIPEX PATRIMEX (Patrimoines matériels : réseau d’instrumentation multisites expérimental), ainsi que le DIM (Domaine d’intérêt majeur) MAP (Matériaux anciens et patrimoniaux) aux recherches sur les questions patrimoniales. L’activité pourra s’articuler avec l’infrastructure européenne ERIHS (European Research Infrastructure for Heritage Science) dédiée à l’étude avancée des matériaux anciens. Les fonds d’archives de l’École polytechnique représentent aussi une ressource structurante pour l’histoire des sciences et des techniques du xviiie au xxie siècle. Il s’agit enfin de porter aussi les aspects liés à la valorisation (diffusion auprès des publics, impact sur le tourisme culturel, nouveaux médias, expertise analytique des biens patrimoniaux, droit et économétrie du patrimoine et de la culture) via une collaboration avec le réseau de PME PBM (Patrimoine, big data & multimédia).

Axe 1 : Numérique et Humanités Lire la suite »

Axe transversal : Transitions et Innovation

Cet axe trouve des terrains d’applications dans toutes les thématiques étudiées au sein de la MSH Paris-Saclay.
Il vise à analyser le concept d’innovation en tant que tel, mais aussi à explorer les apports des Science and Technology Studies sur la compréhension des effets des politiques qui lui sont consacrées.
Enfin, les chercheurs seront plus généralement incités à développer des travaux réflexifs sur leurs propres pratiques de l’innovation.

Les deux axes cardinaux de la MSH Paris-Saclay concernent essentiellement les transitions numérique et écologique. Ces transitions s’accompagnent souvent, en amont ou en aval, d’innovations technologiques ou sociales qui sont susceptibles de déstabiliser les systèmes dans lesquels elles s’insèrent et de les engager dans de nouvelles transitions. La nécessité de comprendre la complexité des boucles de rétroactions et la permanence des injonctions à innover, et la présence au sein de Paris-Saclay de forces spécialisées dans la recherche sur l’innovation ont incité la Direction de la MSH à définir un axe transversal sur l’innovation.

L’innovation est en effet un objet d’étude interdisciplinaire, à la lisière des sciences de la nature et des sciences humaines et sociales. Elle est aussi un champ de recherche pluridisciplinaire au sein de ces dernières, au croisement de l’histoire, du droit, de la sociologie, de l’économie et de la gestion. À cet égard, elle se situe au centre de nombreuses réflexions sur la propriété intellectuelle, l’entreprise et la croissance économique. Ces thématiques constituent un objet d’étude particulièrement stimulant pour toutes les disciplines des SHS. Au cœur d’un territoire qui fait de l’innovation l’un de ses fers de lance, la MSH Paris-Saclay a vocation à porter une recherche méthodologique et réflexive interdisciplinaire sur cet objet, en mobilisant non seulement les quelque 100 spécialistes du domaine au sein de ses laboratoires, mais aussi toutes celles et ceux qui souhaitent interroger la portée des injonctions d’innover sur leurs pratiques et leurs résultats.

Étudier le concept en tant que tel, dans ses dimensions managériales, économiques ou même sociologiques ou juridiques, sera un objectif de l’axe. L’exploration des apports des Science and Technology Studies concernant la compréhension des effets des politiques consacrées à l’innovation constituera un deuxième objectif également important. L’injonction d’innover produit des effets sur les thématiques de recherche et les pratiques de tous les chercheurs, y compris les chercheurs en SHS. Dans ce dernier sens, les équipes de la MSH Paris-Saclay ont aussi vocation à développer des travaux réflexifs.

Enjeu politique et économique, l’objet « innovation » constitue aussi un concept-valise présenté comme étant susceptible de résoudre tous les problèmes de la société : progrès scientifique et technologique d’une part, changements organisationnels et institutionnels d’autre part. L’interroger, c’est questionner la pertinence des frontières entre recherche fondamentale, recherche appliquée et R&D, de même que les critères et les outils de l’action publique et privée consacrées au financement de la Recherche et son développement.

De fait, loin d’être totalement modélisable, l’innovation est une réalité plurielle : innovation technologique concernant les produits et les processus ; innovation sociale concernant les organisations et les institutions. La réflexion sur l’innovation sociale préoccupe tout autant les managers, les citoyens et les décideurs publics. À titre d’exemple, des questions telles que la responsabilité sociale des entreprises et le développement durable participent de cette réflexion.

Traditionnellement, les travaux sur l’innovation sont séparés entre ceux qui se focalisent sur les produits ou services et ceux qui portent sur les processus. Cette typologie demeure pertinente, mais peut être réinterrogée aujourd’hui quand produits, services, processus et méthodes managériales sont désormais perçus comme autant d’entités étroitement imbriquées.

L’étude des effets de l’injonction d’innover sur la production des connaissances scientifiques, techniques, tout comme sur nos sociétés en général fait l’objet d’un nombre important de travaux. Ces derniers, qui ont émergé à partir des années 1960, mettent en avant l’idée que la science et la technique résultent de l’activité d’acteurs, de groupes, d’organisations et d’institutions sociales situés, dont l’ambition est de produire des vérités, des connaissances ou des techniques selon des méthodes éprouvées. La montée en puissance d’une injonction permanente d’innover est en effet susceptible de mettre en péril les modes d’expression traditionnels de la Recherche et des controverses scientifiques.

Cette injonction d’innover affecte tout à la fois les secteurs de la recherche et de la formation, mais aussi la société et les pratiques qu’elle développe. L’étude des politiques de promotion de l’innovation et des cadres normatifs mis en place pour son déploiement illustre les ambiguïtés d’un principe qu’on oppose parfois à la précaution. De nombreux travaux ont été consacrés à cette question, de la nouvelle production des savoirs à la triple hélice, qui ont proposé des modélisations des évolutions des relations entre sciences et société dont l’injonction permanente à innover est l’un des marqueurs. Ces évolutions, parfois réunies sous le vocable de technosciences, justifient des programmes économiques massifs de transferts technologiques via la création de plateformes d’accélération, d’incubateurs d’entreprises, de start-up.

Quelles que soient les critiques que l’on peut adresser à ces théories, il faut reconnaître que leur succès relance un long débat sur le statut de la recherche publique et ses retombées économiques. Elles nous incitent à renouveler l’interrogation sur le rôle social de la science au sein des réflexions contemporaines sur l’État, l’entreprise, les formes de la collaboration scientifiques et les cadres juridiques et économiques associés. Elles permettent aussi de réfléchir, sur la base des données empiriques, sur le mythe de l’innovateur et de la start-up dans les orientations des politiques de recherche et de soutien à l’innovation. Les études sociohistoriques mettent enfin en évidence que les institutions d’enseignement et de recherche scientifique et technique sont façonnées aussi sur le temps long. Les initiatives des universitaires – soutenus par les édiles locaux – pour favoriser le développement industriel local dès la fin du dix-neuvième siècle produisent encore aujourd’hui des effets observables. Ces analyses conduisent à une vision plus complexe des conditions de l’innovation, de ses acteurs, des institutions en jeu, ainsi que des savoirs, savoir-faire engagés et produits.

Enfin, étudier les effets de l’injonction à l’innovation implique une certaine réflexivité et une attention aux transformations des manières de faire et de produire de la science tout autant qu’aux controverses qu’elle suscite. Un objectif de cet axe sera, par conséquent, d’analyser les effets de cette injonction sur les systèmes de production des connaissances existants en France, en Europe et plus largement dans le monde, mais aussi sur les systèmes éducatifs, y compris les établissements d’enseignement publics et privés. Au sein de la communauté scientifique, l’évaluation des effets de l’injonction à innover pourra être envisagée à travers le prisme du bien-être au travail ou encore de la fraude scientifique et des mécanismes sociaux et juridiques qu’elle mobilise, tout comme de la contribution d’un tiers secteur à la production de connaissances pertinentes dans un contexte d’innovation sociale. Seront également promus, dans une dimension plus réflexive, les travaux portant sur les effets de la politique de recherche soutenue par la MSH Paris-Saclay, les établissements et les groupes industriels du plateau de Saclay susceptibles d’influer sur nos propres recherches.

À travers l’axe transversal sur les transitions et l’innovation, la MSH Paris-Saclay entend faire fructifier les analyses et les échanges résultant de ces croisements, comme cela a déjà été expérimenté, dans un passé récent, dans le cadre du projet LIDEX ISIS (Interactions between Science, Innovation and Society) et des activités du Centre d’Alembert, notamment. Cet axe stratégique pour l’Université Paris-Saclay pourra donner lieu à des collaborations mutuellement fructueuses avec les centres de recherche des groupes industriels (EDF, THALES, Renault…) du cluster Paris-Saclay.

Axe transversal : Transitions et Innovation Lire la suite »

Axe 2 : Environnement, Territoires et Santé

Le deuxième axe, « Environnement et santé », a pour objectif de porter les interactions entre les recherches sur l’environnement, le territoire et la santé. Scientifiques et politiques sont notamment préoccupés par les relations entre santé humaine et santé environnementale. La prédation de l’environnement accélérée par le progrès scientifique a permis par le passé la subsistance des humains. Elle met aujourd’hui en péril leur subsistance future. Les urgences environnementales et sanitaires invitent les scientifiques à produire des solutions à l’heure où le mot d’ordre mitigation semble ne plus être d’actualité et celui d’adaptation s’impose. La MSH Paris-Saclay mobilise les forces SHS du périmètre sur ces questions épineuses.

L’Université Paris-Saclay regroupe un potentiel de recherche sur les questions environnementales unique en France, qu’il s’agisse des écosystèmes, de l’énergie, du climat ou de la biosphère. Par ailleurs, avec la concentration d’entreprises, d’hôpitaux (CHU) et de laboratoires, le site de la nouvelle université, combiné aux enjeux d’association des populations de cette grande opération d’aménagement de l’espace, ouvre des possibilités immenses en matière de recherche sur les dimensions territoriales, ainsi que sur les problématiques de santé humaine en général.

Au cœur des préoccupations citoyennes et politiques se situe la question de la transition écologique, dont la transition énergétique représente probablement l’enjeu principal. Celui-ci est de taille, tant en ce qui concerne la création d’emplois qu’en ce qui concerne la gestion des risques (approvisionnement en particulier), l’environnement et, au premier chef, l’engagement vers une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre de la préservation du climat. La question de la transition énergétique émerge naturellement comme la solution à deux problèmes indissociables : le passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables, qui ralentit l’épuisement des ressources non renouvelables, et l’accumulation de gaz à effet de serre. Des forces qui portent des changements économiques et politiques sont confrontées à des opinions et des décideurs climatosceptiques sur des questions telles que la pauvreté énergétique et la place des énergies fossiles, du nucléaire et des agrocarburants de première génération.

Les recherches sur l’énergie croisent de nombreuses disciplines et la plupart des départements de recherche. Elles peuvent donner lieu à de nouvelles actions transversales, en coopération avec les entreprises, sous l’impulsion d’une initiative sur l’énergie lancée dans cet esprit avec le soutien de l’Université Paris-Saclay. Les SHS œuvrent à la compréhension du poids des représentations et des jeux de forces qui font obstacle ou contribuent à la mise en place de solutions économiques et politiques adaptées. L’ambition est, à partir de recherches académiques, d’intensifier fortement le dialogue entre les compétences technologiques et les SHS, en vue de saisir de façon nouvelle et collective les enjeux de la transition énergétique.

La MSH Paris-Saclay se mobilise afin de trouver les moyens et constituer en France la première communauté structurée à même de saisir les enjeux énergétiques du xxie siècle selon des axes spatiaux (territoriaux, nationaux, planétaires) et temporels (moyen et long terme) en mobilisant des compétences SHS diversifiées et complémentaires. Il s’agit aussi d’irriguer au-delà de la communauté SHS. L’interdisciplinarité se situe souvent à l’interface avec les recherches menées dans d’autres départements (santé, écologie, climatologie, transports). Par ailleurs, les travaux menés seront diffusés et adressés aux autres centres de recherche ainsi qu’aux acteurs concernés du public et du privé (État, régulateurs, autorités indépendantes, collectivités, entreprises), pour que la France puisse œuvrer à une transition devenue un enjeu géopolitique fort à la suite de l’accord de Paris.

L’accent sera mis sur les innovations dans la transition énergétique. Il s’agit d’innovations technologiques, mais aussi sociales (régulation économique, normes juridiques, gouvernance territoriale), lesquelles sont appelées à jouer un rôle majeur dans les systèmes énergétiques de demain. Des projets et des structures existants sont invités à travailler avec la MSH Paris-Saclay. On pense notamment au projet IRS MOMENTOM (Molecules and Materials for the Energy of Tomorrow), au Club de l’Orme et aux ITE (Instituts pour la transition énergétique) IPVF (Institut photovoltaïque d’Île-de-France) et VEDECOM (Institut IEED du véhicule décarboné et communicant et de sa mobilité́).

La transition énergétique doit servir la cause environnementale. La préservation du capital naturel que représentent des écosystèmes, des sols et des océans en bon état est un enjeu majeur pour les grands équilibres biophysiques, pour le bien-être des humains, mais aussi pour les services productifs et les activités socioéconomiques liées. Les différentes unités des SHS impliquées sur ces thématiques développent des liens étroits avec les unités de l’Université Paris-Saclay en sciences de la vie (agronomie, biologie, écologie), de la santé, de la planète (hydrologie, climatologie), en statistique et mathématiques. L’ambition des recherches sur le capital naturel est de mener des travaux visant principalement à éclairer la décision publique à différentes échelles, en mobilisant contributions théoriques et méthodes empiriques (modélisations globales, spatiales et bioéconomiques, microéconométrie, économie expérimentale).

Les recherches porteront à la fois sur des analyses empiriques et des outils de simulation permettant la réalisation de scénarios pour aider aux décisions politiques. Outre les questions énergétiques traitées ci-dessus, les thèmes concerneront : (1) l’efficacité de l’intervention publique dans un contexte international (effet des politiques environnementales, agricoles, climatiques compte tenu des rétroactions globales) ; (2) la transition vers des trajectoires de développement faiblement émettrices de carbone à travers les négociations internationales autour de biens publics globaux (climat, biodiversité, ressources halieutiques…) ; (3) l’efficacité environnementale des systèmes de production (urbanisation, mobilité, efficacité énergétique) ; (4) les aspects économiques liés aux écosystèmes (services écosystémiques, paiements pour services environnementaux, analyses économiques de l’agroécologie).

Dans le cadre des financements IDEX sur les thématiques environnementales, la MSH Paris-Saclay participe à l’IRS ACE-ICSEN (Adaptation aux changements environnementaux : une approche multi-échelle et transdisciplinaire). Des interactions fructueuses se déroulent également avec d’autres disciplines (climatologie, écologie) associées dans le cadre l’Institut Convergence CLAND (Changement climatique et usage des terres) et du LABEX BASC (Biodiversité, agroécosystèmes, société, climat).

La question énergétique et, plus largement, environnementale est indissociable de celle des territoires, qui s’est imposée depuis quelques années à l’agenda des décideurs publics comme dans les stratégies des entreprises et des différentes organisations, avec les problématiques d’aménagement du territoire, de réforme des collectivités, de mise en réseau des acteurs de la production et de la gouvernance. Il s’agit aussi d’articuler différentes échelles territoriales, du local à l’économie-monde.

Préserver l’environnement signifie en particulier conserver les écosystèmes terrestres et marins, les terres et les sols. Cette conservation prend également une ampleur renouvelée au niveau de l’alimentation, avec la sensibilité croissante des consommateurs aux enjeux de durabilité qui incite les acteurs de la filière, aussi bien en amont (agriculteurs et industriels) qu’en aval (distributeurs), à adapter leurs stratégies d’offre en termes de systèmes de production, de caractéristiques des produits (qualité et variété) et de prix. Dans ce contexte, les SHS permettent d’analyser comment les rapports de force entre acteurs verticalement reliés, mais aussi comment leurs stratégies modifient l’offre et la demande de produits alimentaires, les prix sur les marchés agricoles et les marchés finaux, les usages des sols et les pratiques agricoles. Les SHS contribuent ainsi à élaborer et à évaluer des politiques publiques et des stratégies industrielles, à différentes échelles territoriales, favorisant la transition vers de nouveaux systèmes alimentaires.

Le plateau de Saclay est porteur d’une ambition qui fait écho à ces questionnements et porte les espoirs d’un regroupement de compétences scientifiques de grande importance, en termes de cluster ou d’écosystème industriel et de recherche. Paris-Saclay interroge l’impact des activités humaines et des processus d’urbanisation (transports, nouvelles mobilités…) sur le vivant, mais aussi l’impact de la relation et de l’implication des populations locales dans leurs évolutions futures.

Les recherches menées au sein de la MSH Paris-Saclay vont porter sur différentes dimensions de la question territoriale, en commençant par des interrogations sur les notions mêmes de territoire et de mobilité. La position du plateau de Saclay est particulière. Celui-ci est en effet situé dans une région densément peuplée, mais avec un usage agricole encore intense et des moyens de transports publics encore en développement, en particulier vers la zone sud.

Sur les territoires apparaissent ainsi au moins trois domaines de recherche : (1) l’urbain, le périurbain et la nature, et la recomposition de leurs frontières géographiques et sociales en relation avec la taille des agglomérations franciliennes et l’intense étalement urbain ; (2) l’aménagement et la gestion de ces espaces, qui renvoient aux approches de politiques publiques et de gouvernance des territoires ; (3) les problématiques entrepreneuriales, de gestion des entreprises ou de mise en œuvre des processus d’innovation de création et de valorisation des connaissances territoriales.

La question alimentaire est étroitement liée à celle de l’usage des sols. Les fonctionnalités demandées aujourd’hui aux produits alimentaires sont multiples en termes de capacités nutritives, de qualités organoleptiques ou d’impact sanitaire et environnemental. Le plateau de Saclay, bénéficiant de moyens humains (chercheurs et enseignants) et expérimentaux de très haut niveau, ainsi que de la présence d’acteurs privés de l’agroalimentaire (entre autres Danone et Carrefour), offre un environnement innovant et unique en France pour relever les enjeux d’une transition vers des systèmes alimentaires plus sains et plus durables. Les unités des SHS participent activement à cet effort en combinant et en croisant les apports de l’économie et des sciences de gestion avec la science politique, la sociologie, le droit et, également, les sciences des aliments, le génie des procédés agroalimentaires, la microbiologie, la nutrition, la climatologie, l’agroécologie.

Sur l’alimentation, quatre thèmes de recherche sont d’ores et déjà investis par les équipes SHS liées à la MSH : (1)  l’analyse des comportements alimentaires, de leurs déterminants et leurs conséquences en termes de consommation, d’effets sur la santé, d’inégalités sociales et d’impact environnemental ; (2) les analyses des stratégies agricoles, industrielles et de distribution qui définissent les caractéristiques des aliments offerts aux consommateurs (prix, variété, qualité, sécurité) et déterminent la localisation des activités et des commerces, conditionnant ainsi le développement des territoires ; (3) l’analyse de la gouvernance de l’approvisionnement, notamment l’organisation de la diversité des filières (traditionnelles et alternatives), de l’usage des sols agricoles, de la restauration collective (publique ou non), le partage de valeurs entre acteurs ainsi que les réglementations qui encadrent les échanges ; (4) l’évaluation des politiques publiques sur l’alimentation, visant la maîtrise des prix de détail, la régulation de la qualité des produits, la réduction des pertes et gaspillages, les impacts sur la santé, l’environnement, ou la sécurité des approvisionnements dans un contexte de concurrences entre usages alimentaire ou énergétique des produits agricoles et préservation des habitats et des services écosystémiques liés.

L’Institut Convergence CLAND et le LABEX BASC sont concernés par la thématique des territoires, tandis que le LIDEX ALIAS (Aliment, alimentation, santé), l’IRS NUTRIPERSO et le LABEX BASC sont plus directement impliqués sur les questions alimentaires.

L’environnement (agents chimiques et infectieux) et l’alimentation affectent également notre santé. On ne peut pas dissocier la santé humaine de la santé environnementale. La pollution contribue au développement des maladies dégénératives, tandis que l’antibiorésistance, la tropicalisation des zones tempérées, la mondialisation des échanges facilitent l’éclosion de nouvelles épidémies.

Au sein de l’Université Paris-Saclay, deux projets IRS et un DIM se penchent sur l’articulation environnement-santé et travaillent en étroite coordination avec la MSH. D’une part, l’IRS ACE-ICSEN considère les processus d’adaptation des organismes vivants, dont l’homme, aux changements environnementaux avec un focus sur trois aspects saillants : qualité de l’air et santé, réchauffement climatique et santé, perte de biodiversité. L’IRS NUTRIPERSO considère la relation entre comportements alimentaires et maladies chroniques (obésité, diabète de type 2, cancers, maladies cardiovasculaires) et préconise le dépassement de politiques de prévention traditionnelles peu efficaces à travers le ciblage des sous-populations à risque identifiées sur la base de variables sociodémographiques et/ou de marqueurs biologiques. Enfin, le DIM 1 Health (Une seule santé) considère les dangers infectiologiques liés au changement climatique, à la perte de biodiversité, à la croissance démographique, à la mondialisation des échanges. Il existe ainsi de nombreux sujets féconds qui croisent les recherches des SHS sur les questions environnementales et les recherches consacrées aux systèmes de santé.

Dans le domaine de la santé, de nouvelles révolutions technologiques sont en cours. Elles peuvent nous aider à surmonter les crises sanitaires qui se profilent à l’horizon et contribuer plus largement à répondre aux défis futurs tels que le vieillissement et l’allongement de l’espérance de vie (en bonne santé). Parmi ces nouvelles technologies de la santé l’e-santé et les biotechnologies font figure de proue.

La Commission européenne définit l’e-santé comme l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour répondre aux besoins des patients, des professionnels de la santé et des décideurs. Les services numériques sont disparates et non stabilisés : au niveau des patients, les systèmes d’information pour la prévention et les soins (information online, wikis et MOOCs, santé connectée) ; au niveau des médecins, les systèmes d’information clinique (imagerie, diagnostique et chirurgie assistées) et la télémédecine (téléconsultation, monitorage et soins à distance) ; au niveau des chercheurs, des managers et des décideurs, les systèmes d’information interopérables et intégrés au niveau local et national (fichiers sanitaires, bases comptables, big data).

La révolution numérique participe ainsi à la réorganisation des systèmes de santé. Les sciences de gestion se penchent en priorité sur les aspects organisationnels et managériaux, les économistes évaluent les effets des politiques publiques, les juristes traduisent les analyses positives dans un cadrage normatif des responsabilités. Certains aspects de la révolution numérique requièrent au préalable une réflexion éthique. On pense notamment à la virtualisation des relations humaines, à la transmutation du patient en client, à l’utilisation des données médicales personnelles et agrégées. Autant d’éclairages possibles, par les SHS, de ces phénomènes qui nous concernent tous.

L’autre révolution en cours est celle des biotechnologies et des biothérapies avancées. Le séquençage du génome ouvre des perspectives dans la recherche médicale et le traitement de maladies comme les cancers ou les anomalies génétiques. Il est question de médecine prédictive et personnalisée. Nombre d’expériences procèdent de la phase expérimentale à l’application clinique sur des patients humains. Ce changement paradigmatique est comparable aux grandes avancées du passé (vaccins et antibiotiques, anesthésie, imagerie…). Cela pose des questions majeures sur le plan éthique et juridique, liées à la manipulation de l’humain, des questions économiques liées à la brevetabilité de la vie, et des questions sociales liées à la participation des patients à l’expérimentation, surtout dans le domaine des maladies rares.

De nombreuses questions éthiques et sociétales sont apparues dans le champ de la génomique, discipline dont l’essor a été facilité par l’amplification de l’utilisation des techniques nouvelles de séquençage du génome et des analyses bio-informatiques. Parmi ces questions priment la dimension juridique des protocoles expérimentaux, leur acceptation ou non par la société, les formes de consentement, la manière d’évaluer le ratio coût/bénéfice des traitements ou du financement pour développer de nouveaux traitements, la question de la solidarité de la société face aux maladies rares. Il s’agit d’approfondir les notions de responsabilité, de confiance, de contrôle sociétal, de choix de modes gouvernance, ou encore de décisions publiques d’autorisation et d’investissement dans le domaine de la santé.

L’IRS BIOTHERALLIANCE (Genome-Based Therapies and Biotherapies at UPSaclay) porte sur les maladies génétiques rares, leurs modèles d’étude et le développement de nouvelles thérapies cellulaires et géniques dans la perspective d’une valorisation médicale et économique.

Les systèmes de santé sont appelés à s’adapter aux nouvelles crises sanitaires en se réorganisant, en profitant des avancées des nouvelles technologiques (notamment numériques). Le management des systèmes de santé et les modèles économiques sous-jacents sont destinés à faciliter les transitions sanitaires à venir.

Les révolutions numériques et biotechnologiques, conjuguées à la crise des finances publiques et au vieillissement de la population, obligent les décideurs, notamment le gouvernement, à restructurer le secteur de la santé vers une offre de nouveaux services, tout en maîtrisant les coûts et en tentant de réduire les inégalités sociales. Il faudra analyser ces recommandations à l’épreuve des contraintes budgétaires, et des révolutions technologiques et culturelles évoquées ci-dessus. Financer les reformes suppose un nouveau modèle économique, efficace et souple, capable d’intégrer des changements à venir comme l’e-santé ou la médecine personnalisée, d’éviter le glissement sémantique du malade de patient à client ou le risque potentiel de privatisation du système sanitaire suite à la réduction des budgets publics.

Par ailleurs, à un niveau méso, voire micro, les professionnels de la santé et les centres de soin ne sont pas des agents économiques comme les autres. Le management des professions médicales est interpellé face aux tensions de rôles ressenties par certains praticiens dans l’exercice de leur art : comment concilier, au niveau individuel, l’obligation de moyens pour guérir ses malades avec l’injonction de réduction des dépenses et des actes ? Les recherches en éthique peuvent largement contribuer à nourrir ces questionnements auxquels sont confrontés les professionnels, les décideurs et les chercheurs en santé, ainsi que les patients, leurs familles et les associations. Se limiter aux aspects économiques serait donc réducteur, voire contreproductif. Le pilotage des systèmes de santé interroge aussi bien les gestionnaires que les juristes, ainsi que les spécialistes de l’éthique en amont. Droit et management des professions de santé, juridisation des rapports patient-praticien, approches éthiques et sociétales des pathologies doivent être reconsidérés dans une logique interdisciplinaire.

L’approche éthique justifie elle aussi une démarche innovante. Alors que les pratiques dans le champ de la santé sont trop souvent assujetties au principe de précaution, aux protocoles et procédures dont on constate les limites, en matière d’éthique les préconisations ou prescriptions s’avèrent bien discutables. Les instances dévolues à la régulation de l’éthique sous forme de comités d’experts perdent en légitimité, et très souvent le recours au législateur pour édicter des normes en bioéthique ou en éthique du soin intervient par défaut, de manière peu satisfaisante, là où l’effort de discernement devrait s’imposer. On constate une institutionnalisation ou une instrumentalisation de l’éthique, alors qu’il conviendrait de responsabiliser les acteurs du système de santé, ceux de la Recherche en favorisant la concertation dans un contexte de transparence, d’intégrité, d’information partagée et de souci du bien commun.

L’accompagnement éthique s’avère dès lors favorable à une démarche d’appropriation d’un questionnement souvent complexe et évolutif, réhabilitant par la discussion un rapport de confiance et favorisant, dans le cadre de délibérations démocratiques, l’arbitrage de choix éclairés. L’anticipation dans le champ de l’éthique relève de la confrontation de compétences pluridisciplinaires réunies autour de valeurs partagées pour développer un dialogue continu avec les différents acteurs professionnels et associatifs représentatifs du champ de la santé. Il convient notamment d’identifier les lignes directrices de l’innovation biomédicales qui transforment progressivement les pratiques, la relation à la santé et aux soins. Resituer la personne au cœur des préoccupations, son intérêt direct, ses représentations et ses préférences, c’est reconnaître des droits parfois antagonistes avec les enjeux estimés supérieurs des « avancées scientifiques ». C’est également considérer que les évolutions actuelles accentuent des vulnérabilités et parfois des peurs et des défiances qui altèrent la relation de confiance entre la personne et ceux qui la soignent. À se demander quel bien vise aujourd’hui le « progrès biomédical » qualitativement d’une autre nature que l’objectif de performance ou tout simplement la logique « d’innover pour innover ».

Axe 2 : Environnement, Territoires et Santé Lire la suite »

Retour en haut